Cela se passe à Laimont, non loin de Bar le Duc, dans la Meuse. Ce département ne se contente pas d'être l'un des plus beaux de France, il présente des surprises à chacun de ses détours. Et pour ceux qui s'imaginent qu'on n'y rencontre que des cimetières, ces trois soirées (27, 28 et 29 août) du 6ème Festival des Granges constituent un joyeux démenti.
Dans un cadre verdoyant et convivial, Fanny et Pascal nous ont proposé un programme d'une grande qualité et d'une grande diversité, débutant le jeudi par la "soirée grange", dont le nom dit bien ce qu'elle est. Mais une grange avec tout le confort, et même un bar, bien utile à cette époque. Elle devrait d'ailleurs prochainement accueillir d'autres manisfestations. À suivre...
Le premier invité était Jason Hakin, songwriter canadien, très marqué par la pop anglaise (Beatles, Kinks...). Il n'a pas hésité à laisser tomber appartement et travail pour promouvoir son premier album dans son pays natal mais aussi en Angleterre ou en France. Accompagné par Clément Lucas (percussions, harmonies et scie musicale), il a donné le ton de ces trois soirées: la qualité mais aussi la connivence entre les artistes et un public conquis et chaleureux.
Ce fut ensuite le tour de Guillaume Ledoux, échappé (temporairement) de Blankass avec son compère Cédric Milard aux claviers. Une bonne surprise que ce duo qui inaugurait une nouvelle formule et craignait un peu la réaction du public. Ses textes souvent humanistes, méritaient l'écoute attentive qui leur a été accordée par les quelques privilégiés qui étaient présents. On eut même droit à une reprise de "King's Highway" de Tom Petty. Les sourires, à la fin du set, en disaient long sur la réussite de l'entreprise.
Le grand choc de la soirée a pour nom Don Ross. Ce guitariste canadien, aux allures de Nounours sympathique, nous a offert un numero hallucinant de virtuosité. Ce qu'il fait avec une guitare acoustique (et de faux ongles, qui furent l'objet d'une savoureuse anecdote, à la main droite) est impossible à imaginer. Pour ne rien gâter, il chante parfois, et bien. Et tout cela avec une gentillesse et un sens de l'humour (bilingue) qui lui ont permis de mettre tout le monde dans sa poche. Son numéro, avec une pédale wah-wah (et une guitare qui est, je le rappelle, coustique), sur le titre "Dracula and Friends, Part 1" m'a particulièrement marqué. Et chacun aurait voulu que la nuit se prolonge.
Vendredi, première soirée chapiteau. Ouverture par Coline Malice, jeune chanteuse belge (qui vit une partie du temps à Clermont-Ferrand). Accompagnée d'Antoine Quinet (claviériste reconverti pour l'occasion à la guitare), elle nous a proposé, au son de son accordéon, un spectacle tout en douceur qui aurait sans doute encore mieux trouvé sa place dans la grange où il était d'ailleurs initialement prévu.
Krystle Warren a été pour moi la seule petite déception de la soirée, expliquée peut-être en partie par la fatigue (la mienne). Cette jeune américaine de Kansas City, à l'allure androgyne , songwriter de son état, élevée à l'école du métro, et qui évolue dans un registre soul-rock, ne m'a pas emballé sur scène comme elle l'avait fait avec son album "Circles". Ni les mélodies, ni le jeu de guitare ne m'ont séduit. Le groupe (The Faculty) qui la met si bien en valeur sur l'album faisait défaut ce soir-là. Et je n'ai pas réellement aimé la reprise (en rappel) de la chanson des Beatles "Eleanor Rigby". Ce type d'exercice, difficile quand on veut s'éloigner du modèle, est peut-être réservé à des gens de la stature d'Otis Redding ou de Ray Charles. Mais, dans l'ensemble, la réaction du public a été enthousiaste. C'est donc moi, sans doute, qui n'ai pas su apprécier.
Je parlerai peu de Titi Robin est de ses deux accompagnateurs car je n'ai vu que le début de son set (la fatigue, encore, et un départ prématuré). Mais l'échantillon est prometteur. Cet artiste à part évolue dans un univers qui ne l'est pas moins, quelque part entre musique orientale et musique gitane. Titi Robin habite sa musique et mérite d'être découvert davantage. Un bel exemple de passion.
Le festival s'est terminé par un vrai feu d'artifice le samedi soir. 3 artistes, 3 grands et beaux moments.
Le premier à prendre la scène fur Amar Sundy, un nom pour moi, rien de plus. En l'espace d'une heure il a conquis tout le monde par son "blues touareg", chantant alternativement dans sa langue maternelle ou en Anglais. L'influence du blues de Chicago (où il a vécu), celle de la culture de son peuple mais aussi celle de la France, où il vit, donnent un résultat de très haut niveau. Et que dire de son interprétation de "Stormy Monday" de T-Bone Walker où son talent de guitariste a littéralement explosé? Ce n'est pas Tony, un spécialiste de la 6 cordes qui me démentira. Et les musiciens qui l'accompagnaient étaient tous au même (haut) niveau.
Sapho, qui venait ensuite, constituait pour moi une une inconnue, une inquiétude aussi. Ce soir-là, elle chantait Léo Ferré sur des rhythmes de flamenco, accompagnée d'un guitariste (Vicente Almaraz) et d'un percussionniste (Alyss). Son côté théâtral et sa présence scénique mis au service de la musique de Ferré et de textes d'Aragon, Baudelaire ou Caussimon ont trés vite mis tous les spectateurs de son côté. Elle était morte de trac en montant sur scène mais lorsqu'elle en est partie, après une double interprétation de l'éternel "Avec le temps", en Français et en Marocain (Sapho est Franco-Marocaine), son visage n'était plus que sourire. Et quel plaisir d'entendre la langue française dans ce qu'elle a de plus beau, interprétée d'une si jolie manière.