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  • This song is your song

    La contagion du folk, traditionnellement, se faisait de bouche à oreille. Il en était de même pour le blues. Si vous vous référez, par exemple, à l'imposante discographie de John Lee Hooker, vous constaterez que nombre de morceaux signés du nom de ce vieux grigou sont en fait des airs traditionnels que d'autres se sont également attribués. Un titre comme "Baby Please Don't Go" est ainsi copyrighté par des dizaines de bluesmen sans que cela pose de problème. Bob Dylan, dans son récent et superbe "Modern Times" s'est également attribué la paternité de "Rollin' & Tumblin" que tant d'autres ont chanté avant lui.
    C'est Dylan qui raconta que Woody Guthrie, à l'occasion d'une rencontre dans l'hôpital où le vieux troubadour malade achevait sa vie, lui tint à peu près ce langage: "Ne pense qu'au texte. T'occupe pas de savoir quel air tu mettras dessus. J'ai toujours piqué un air déjà connu pour le changer ici et là et en faire un air à moi. Tu mets deux notes rapides à la place d'une lente, tu chantes l'harmonique au lieu de la mélodie, ou une note de l'octave d'en dessous à la place d'une haute, tu tripotes dans les silences et les pauses – et tu as une mélodie à toi. Je le fais tout le temps.".
    Bobby retint si bien la leçon qu'un des titres de son premier album, "Song To Woody" (!) était un repiquage du "1913 Massacre" du susnommé (qui avait sans doute adapté à l'occasion un air du folklore britannique). Et "Blowin' In The Wind" est directement influencé par "No More Auction Block" (que l'on peut entendre dans le volume 1 des "Bootleg Series" de Dylan) comme le fut ensuite "Try For The Sun" de Donovan. Donovan dont "Ballad Of Geraldine" ressemble étrangement à "Girl From The North Country" de Bob Dylan, comme "Boots Of Spanish Leather" du même Robert Zimmermann…
    Pour revenir à Woody Guthrie, son titre le plus célèbre est "This Land Is Your Land". Comme vous avez écouté les œuvres de ce dernier ainsi que l'intégrale de la Carter Family à la suite de la lecture de la note "Le folk dans tous ses états", vous avez indubitablement remarqué que ce titre était en fait une reprise de "When The World's On Fire" de la bande à A.P. Carter qui, elle-même, l'avait piqué (en changeant les paroles) à un travailleur et musicien afro-américain de Kingsport, Tennessee, du nom de Lesley Riddle.
    Étonnant, non, de savoir que le morceau le plus célèbre de Woody Guthrie n'est pas vraiment de lui. Il est néanmoins (personne en tout cas n'a affirmé le contraire) l'auteur des paroles, ces paroles dont beaucoup de rêveurs, aux U.S.A., eussent aimé qu'elle devinssent celles de leur hymne national.

  • Un disque, un jour: "Harvest" by Neil Young

    medium_Numeriser0006.jpgLundi 21 février 1972, rue de Metz à Nancy… Le paquet tant attendu en provenance de Wah-Wah Express était là! Attendu? Rarement un disque l'a été autant (quoique, concernant Neil Young, certains disques attendus – et je ne parle pas de ses coffrets d'archives – ne sont jamais parus).
    En janvier 1971, j'avais acquis "After the Gold Rush" (les 2 premiers albums solo n'étaient alors disponibles qu'en import - je les payai d'ailleurs 50,00F chez Lido Musique le jour même où ils sortaient en pressage français à 28,50F!) et ce disque est tout de suite entré dans mon hit parade personnel dont il n'est jamais sorti. Aussi, quand je lus dans la presse spécialisée anglo-saxonne qu'un double album live du Loner devait sortir en mars, quand je vis le track-listing comportant de nombreux inédits ou des versions de titres de Buffalo Springfield (dont certains comme "Nowadays Clancy Can't Even Sing" étaient à l'origine chantés par Richie Furay), je me mis à compter les jours, voire les heures. Et puis, la désillusion: le disque était ajourné (on était en mars 1971) un nouvel album studio étant enregistré et prêt à paraître.
    [NDR: le double live fut publié (en album simple d'1 heure et 15 titres) par Trade Mark Of Quality (bootleg) sous le titre "Neil Young at The Los Angeles Music Center" et, effectivement, présente un grand intérêt surtout quand on sait que certains titres ne furent disponibles que plus tard et dans des versions très différentes. En effet, en l'occurrence, Neil était seul avec sa guitare, son piano et son harmonica. C'est ainsi que l'on peut entendres des versions dépouillées de "Old Man" ou "A Man Needs A Maid" du futur "Harvest". Pour l'anecdote, le morceau titré medium_Numeriser0005.jpg"Nowadays Clancy Can't Even Sing" était en fait "On The Way Home", lui aussi chanté à l'origine par Richie Furay. Il y avait "Dance Dance Dance" qui parut la même année sur le premier disque de Crazy Horse, "Ohio" en version solo, etc. Un vrai bonheur…]
    Et c'est ainsi que, de semaine en semaine, j'attendais, j'attendais… et, comme Sœur Anne, je ne voyais rien venir. Jusqu'à ce jour de février 1972 où je vis enfin "Harvest" figurer dans les listes de mes vépécistes musicaux préférés (Wah-Wah Express et Inter 33). Je passai donc commande (par courrier, internet n'existait pas) ou plutôt pré-commande, la date de sortie n'étant pas encore officielle. (L'avenir me révéla que j'avais bien fait de procéder ainsi, "Harvest" n'étant arrivé dans les rayons des disquaires nancéens que vers la mi-mars (rupture de stock dès la sortie).
    Me voici donc en cette fin de matinée, après une épuisante série de cours en fac de droit, en possession du précieux objet. Et comme j'avais prévu ce jour-là de me rendre pour un après-midi / soirée musique et cassoulet chez mon ami Phil, à l'autre bout de Nancy, en compagnie de Dom, je m'y rendis avec "Harvest" sous le bras. Et si mes souvenirs ne me trahissent pas, nous avons dû l'écouter 6 fois d'affilée!
    Out on the weekend
    Une ballade country pour commencer, un morceau très mélodieux avec un travail remarqué de Ben Keith à la pedal steel guitar.
    Harvest
    Pas le titre le plus connu, mais peut-être celui qui résiste le mieux au temps. Mélodie, qualité du texte,un style, tout est là. Un portrait sincère qui montre la vulnérabilité de l'artiste.
    A man needs a maid
    Le titre le plus controversé qui valut à Neil les foudres des féministes américaines. Une orchestration lourdingue avec les arrangements de Jack Nitzsche et le London Symphony Orchestra.
    Heart of gold
    LE tube! Celui qui a fait connaître Neil au plus grand nombre. Une mélodie simpl(ist)e, des arrangement faciles mais efficaces, des accords de guitare pour débutants (c'est un guitariste qui me l'a dit), ce morceau a atteint son but. Avec les voix de Linda Ronstadt et James Taylor.
    Are you ready for the country
    Crosby et Nash aux harmonies. Un country-rock décontracté et élégant. Un peu de piano funky (par Neil), une slide guitar paresseuse, et le tour est (bien) joué.
    Old man
    Un excellent morceau (avec de nouveau Linda et James). Titre au son rural d'un Neil Young parfois poignant: “Old man take a look at my life, I’m a lot like you were / I need someone to love me the whole day through / Ah, one look in my eyes and you can tell that's true”.
    There's a world
    Encore avec les arrangements de Jack Nitzsche et le London Symphony Orchestra. Un morceau que l'on peut ne pas aimer avec son côté grandiloquent, même s'il faut souligner la qualité du travail de l'arrangeur.
    Alabama
    Dans la lignée de "Southern Man", "Alabama" est le morceau le plus rock du disque (une version plus longue peut en être entendue sur "Journey Through The Past"). Crosby et Stills sont là. Le regard porté sur le Sud (des USA) est lucide et dévastateur. En réponse, Lynyrd Skynyrd publiera "Sweet Home Alabama" que, paradoxalement, Neil appréciera beaucoup.
    The needle and the damage done
    Présentée par Neil Young comme une chanson "sérieuse" décrivant une addiction à l'héroïne. La référence à Crazy Horse et à son ami Danny Whitten est évidente.
    Words (Between the lines of age)
    L'album se finit en compagnie de Stills & Nash. "Words" est un folk-rock enregistré "live in the studio". Les Stray Gators (requins de studios de Nashville) se montrent particulièrement à leur avantage sur ce titre. Une version live et longue figure sur "Journey Through the Past". Une bonne conclusion pour cet album qui fut celui du succès pour Neil.
    "Harvest" n'est pas mon disque favori de Neil Young. Il manque pour moi d'unité et Neil semble avoir voulu tirer dans toutes les directions. Il a eu au moins le mérite d'ouvrir un certain nombre de portes. Mais ceux qui en sont restés là sont passés à côté d'un des plus grands artistes de la rock music, à l'aise dans tous les registres mais surtout dans celui de la sincérité. Ce disque reste aussi pour moins le symbole d'un grand moment d'amitié. Et rien que pour cela, je l'écouterai toujours avec plaisir…

  • Au secours! Le folk est contagieux!

    Oui, le folk est contagieux, mais je n'ai pas l'intention de me soigner. Comme je l'écrivais dans une note précédente, le terme folk, à partir d'un certain moment, a été réservé aux musiques populaires de tradition orale. Mais si la tradition orale a longtemps été la simple transmission de bouche (ou de luth, ou de guitare...) à oreille, telle que la pratiquaient déjà, chez nous, les trouvères et troubadours, l'évolution des techniques au 20ème siècle (et plus encore au 21ème) a impliqué des modes de transmissions nouveaux. On a vu dans une précédente leçon (je vais ramasser les copies, bande de petits canailloux) ce qu'avaient fait en la matière des gens comme A.P. Carter ou Woody Guthrie au travers des enregistrements que vous n'avez pas manqué d'écouter.

    Il est temps maintenant de voir comment ont les autres facteurs de propagation du virus folk.

    Je vous parlerai aujourd'hui de deux grands artistes dont les démarches sont semblables mais les outils différents. Leur objectif: préserver un patrimoine musical américain que l'évolution de la société met en danger d'oubli. L'Américain d'aujourd'hui, en grande majorité, n'entend en effet que ce que diffusent les radios FM.

    Le premier s'appelle Pete Seeger. Né en 1919 (et toujours en vie même si moins actif aujourd'hui) il a été remis en vogue par Bruce Springsteen et son album "We Shall Overcome". Ce barde intégriste et intransigeant (il a, par exemple, voulu débrancher les amplis de Bob Dylan qui avait osé électrifier sa musique au festival de Newport en 1965) a toujours eu une approche politique de la musique. Il a ainsi été "blacklisté" dans son beau pays qui, déjà à l'épque, était un grand modèle de démocratie, la référence!). Mais il a eu aussi une démarche de conservateur (au bon sens du terme) en publiant dans les fifties et sixties 5 volumes des "American Favorite Ballads" (chez Folkways et, en France, chez Chant du Monde avec la complicité de l'excellent et irremplaçable - et irremplacé - Jacques Vassal). Ces oeuvres, dans des éditions enrichies, sont en cours de réédition en CD depuis 2002 (4 volumes représentant plus de 100 titres sont déjà parus).

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    Le second s'appelle Roger McGuinn et, après avoir sévi au sein du Chad Mitchell Trio et des Byrds, il a repris sa liberté et a sorti quelques albums solo au succès modeste. Et puis, en 1995, il a décidé de lancer sur internet son"Folk Den" ( http://folkden.com ) afin de contribuer lui aussi à la préservation du patrimoine musical de son pays. C'est ainsi que depuis novembre 1995 il a mis en ligne et en téléchargement gratuit près de 140 titres, la plupart du temps seul avec sa guitare ou son banjo (comme Pete Seeger). Tous ces titres sont disponibles en MP3 avec commentaires, textes et parfois illustrations et/ou partitions. Allez faire un tour chez l'Roger, vous ne serez pas déçus

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    Dans une prochaine leçon, nous étudierons d'autres modes de contamination folkeuses. Pour en découvrir un, allez rendre une petite visite à Hervé et ses amis ( http://www.acousticinparis.com ). Vous y rencontrerez des gens qui font vivre le folk d'aujourd'hui et tentent de le faire connaître en France. Des gens qui parlent sur la même page de Dave ALvin Tom Russell, Townes Van Zandt, Guy Clark, Peter Case, Chris Hillman, James McMurtry et tant d'autres... Je croyais être le seul!!! Vous serez vite conquis...