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Un disque, un jour: No Dice (1970)

"Without You" ou le mauvais œil de Badfinger…

La Discothèque, Nancy, Vendredi 11 juin 1971.

In memoriam:
          Pete Ham (April 27, 1947 / April 23, 1975)
          Tom Evans (June 5, 1947 / November 19, 1983)
          Mike Gibbins (March 12, 1949 / October 4, 2005)

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En ce temps-là, la presse musicale britannique était florissante et de qualité. Elle m'a permis en ces années bénies (1970-1971) de découvrir bien des artistes dont j'ignorais l'existence. Il y eut par exemple Elton John (inconnu chez nous) mais aussi 2 groupes pour lesquels j'ai éprouvé une véritable affection. Le premier, McGuinness Flint, avait obtenu un succès avec "When I'm Dead And Gone", le second, Badfinger, avait atteint le top 10 grâce à "No Matter What". C'est ainsi qu'en juin 1971 je fis l'acquisition du premier album ("McGuinness Flint", sans titre) des premiers et du second album ("No Dice") des seconds. Dès la première écoute, je fus conquis.
C'est de Badfinger que je vais vous entretenir aujourd'hui. Ce quatuor (à lépoque: Mike Gibbins, Pete Ham, Tom Evans & Joey Molland, de gauche à droite sur la photo) avait un avenir prometteur. La suite fut hélas des plus tragiques.
Je vous passerai les détails de leur genèse pour vous en conter l'essentiel. Badfinger s'est tout d'abord nommé The Iveys et a été le premier groupe signé par le tout nouveau label "Apple" dont les pères n'étaient autres que les Beatles. The Iveys publièrent un album "Maybe Tomorrow" en 1969 avant de changer de nom pour faire cesser la confusion avec un autre groupe, The Ivy League. La version de travail du succès des Beatles, "With a Little Help From My Friends", s'appelait "Bad Finger Boogie, d'où l'appellation Badfinger.
Ils publièrent ensuite sous leur nouveau nom un album intitulé "Magic Christian Music", disque composé de titres extraits de "Maybe Tomorrow", d'autres enregistrés pour le soundtrack du film-navet "Magic Christian" avec Ringo Starr (dont leur premier single à succès "Come And Get It", signé Paul McCartney) et de nouvelles compositions.
medium_No_dice.jpgPuis vint "No Dice", publié en 1970 alors que le groupe avait trouvé sa forme définitive. L'album fut le meilleur succès commercial de l'histoire du groupe et un seul titre en fut extrait pour une publication en 45 tours, le sus-mentionné "No Matter What", rock simple et efficace qui montrait à la fois les qualités (réelles) du groupe et leurs défauts (relatifs mais la critique s'acharnait à l'époque à les comparer aux beatles qui venaient de se séparer officiellement).
Et pourtant, il y avait sur les 11 autres titres, 3 ou 4 succès potentiels, au moins: les ballades "Midnight Caller" ou "We Are For The Dark", les morceaux mid-tempo "I Can't Take It" ou "Blodwyn".
Et, par dessus tout, il y avait le superbe "Without You", composé par Pete Ham et Tom Evans. Version dépouillée, lancinante, elle avait tout du grand tube qu'elle ne fut pas, du moins dans sa version originale. Et en 1971, Harry Nilsson en fit un tube planétaire figurant sur son album "Schmilsson" dans une version agréable mais édulcorée (je ne parle pas de la version ultérieure, 1993, et édul-Carey de la Mariah du même nom). Pour tout le monde, "Without You" était devenu une chanson de Nilsson, et c'est encore vrai aujourd'hui, puisqu'en 2006 ce morceau est encore régulièrement diffusé (et annoncé comme la chanson d'Harry Nilsson) par certaines radios françaises.
Badinger publia encore chez Apple un album ("Straight Up") après bien des vicissitudes et des changements de producteur en cours d'enregistrement (parmi eux Todd Rundgren et George Harrison) et en enregistra un autre ("Ass") qui ne fut publié qu'après le départ du groupe chez Warner et la publication de "Badfinger" puis de "Wish You Were Here", en 1974, un an avant celui de Pink Floyd.
Ce fut le chant du cygne et le début des ennuis. La banqueroute d'Apple entraîna un non-paiement des royalties dues au quatuor (qui composait tout son répertoire). Le groupe était tombé entre les mains d'un manager véreux, un certain Stan Polley qui, en négociant "par derrière" avec Warner alors que le groupe était encore sous contrat, le fâcha avec ses amis et supporters chez Apple, dont George Harrison. Et pour noircir encore le tableau, le même Polley, s'occupant prétendument des intérêts financiers des membres de Badfinger avait en réalité mis à profit l'intense activité (tournées et enregistrements) du groupe pour le spolier totalement.
Dans l'intervalle, Mike Gibbins avait quitté provisoirement le groupe en 1972 avant de revenir et, en 1974, Pete Ham essaya d'en faire autant. Un nouvel album "Head First" fut enregistré fin 1974 mais non publié. Les 4 garçons se débattaient au milieu des problèmes, tombant véritablement en deça de ce qu'on n'appelait pas encore le seuil de pauvreté. Et pour finir, Warner mit fin à leur contrat début 1975, de manière unilatérale.
Le 23 avril 1975, au bout d'une année de problèmes professionnels et financiers, sans argent, sans perspective, sans reconnaissance de son talent (le malentendu né de "Without You" avait profondément affecté l'hypersensible Pete) et avec une fille à naître, Pete Ham au plus profond du désespoir, mit fin à ses jours par pendaison dans son garage. Il aurait eu 28 ans quatre jours plus tard. Ce qui avait débuté comme un conte de fées était définitivement devenu un cauchemar.
Le groupe tenta de survivre, avec une composition mouvante. Il publia encore 2 albums dans l'anonymat: "Airwaves" (1979) et "Say No More" (1981).
Mais ce n'était pas fini: après une violente dispute avec Joey Molland, suite à un désaccord profond sur la direction artistique du groupe, Tom Evans se pendit, lui aussi le 19 novembre 1983, à 36 ans, rejoignant son vieux compère au paradis des talents méconnus.
Joey Molland et Mike Gibbins, en compagnie d'un membre ultérieur de Badfinger (Bob Jackson – il était là pour "Head first", finalement publié en 2000) se réunirent pour une tournée aux USA en 1984, se retrouvant ensuite de temps en temps sous la bannière du groupe qui aurait pu faire leur gloire.
Mike Gibbins publia un album solo en 1998 "A Place In Time", suivi de deux autres "More Annoying Songs" et "In The Meantime" avant de mourir de mort naturelle, chez lui, en Floride, le 4 octobre 2005, à 56 ans.
Oui, Badfinger avait vraiment le mauvais œil.

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