Danny, Iain et les autres
Le 8 février est depuis longtemps pour moi une date à part: anniversaires, fêtes, cette date est marquée de plusieurs croix sur le calendrier.
Mais le 8 février 2007 devait vraiment être exceptionnel et le fut à divers titres. Un rendez-vous important à Reims en début d'après-midi, du soleil, et puis l'autoroute A4 en direction de Paris pour une soirée qui s'annonçait magique à La Pomme d'Ève. Rendez vous compte: une affiche avec Danny Schmidt, Kreg Viesselman (à découvrir pour moi) et le légendaire Iain Matthews (qui se nomma successivement Ian McDonald et Ian Matthews avant de gaëliciser son prénom). Et la rumeur disait qu'Elliott Murphy allait passer dans la soirée et avait demandé qu'on lui prépare une guitare.
Je rappelle qu'Elliott l'Américain et Iain le Britannique ont enregistré ensemble et en France un disque qui s'appelle "La Terre Commune" publié en 2000 (on peut également trouver chez http://www.glitterhouse.com un double CD du label Blue Rose "Official Bootleg – Elliott Murphy, Iain Matthews & Olivier Durand: Solingen, Steinhaus, The Cornish Pub, 1.6.2001" qui retrace leurs aventures scéniques). Bref, tout allait bien. L'accès à la capitale se fit sans encombre, la voiture trouva sa place dans un parking (cher, le parking à Paris!) et je n'eus plus qu'à tuer le temps pour 1 heure ou 2, le temps de retrouver JaPal, ce que je fis en me rendant dans un sous-sol de la Place de la Bastille où, il y a quelques années, on trouvait encore de la musique rare et bonne. Les nuages en profitèrent pour se soulager abondamment (j'étais à l'abri, je ne m'en rendis compte qu'en sortant, après l'averse). C'est alors que mon portable me joua "Blowin' In The Wind" pour m'annoncer l'arrivée de messages. Et ces messages étaient porteurs d'une mauvaise nouvelle dont je ne parlerai pas ici. Mais d'ores et déjà, la soirée était gâchée et se posait la question de maintenir ou non le programme prévu. Un certain nombre de coups de fil, les retrouvailles avec JaPal, et la décision fut finalement prise de ne rien changer au moins jusqu'au lendemain matin. Tranquillement, nous nous acheminâmes vers le Panthéon : boulevard de l'Hôpital, boulevard St Marcel, rue Mouffetard, la Contrescape, la Montagne Ste Geneviève et puis, non loin de la Place des Grands Hommes, la rue Laplace à l'entrée de laquelle se situe la Pomme d'Ève, temple parisien de la bonne musique acoustique. Le Maître de cérémonie était là, attendant ses invités (au prix du concert, on peut en effet parler d'invités et non de clients). Pour ceux qui ne le savent pas encore, l'association "acoustic in pAris" propose toute l'année un programme unique et étonnant. Pour en savoir plus: http://www.acousticinparis.com). Premier constat: l'accent était très anglophone et il y avait très peu d'ados dans le public. Une brave dame américaine nous expliqua qu'elle venait de Reims et qu'elle avait un temps fait un "extra job" pour le CNAC (Centre National des Arts du Cirque) à Châlons en Champagne. Deuxième constat: nous avions bien fait d'arriver tôt. En effet, compte tenu de l'exiguïté des lieux et de la longueur de mes jambes, il m'eut été difficile de m'installer en entier ¼ d'heure plus tard! Au milieu des spectateurs debout au bar, on pouvait déjà reconnaître Danny et sa casquette, il monta sur scène pour un dernier réglage et puis Hervé le rejoignit pour une présentation de celui qui avait déjà enchanté les lieux le 9 novembre 2005, en prélude à un autre grand méconnu, David Olney. "Pour ceux qui ne le connaissent pas encore", prévint Hervé, "vous allez prendre un claque, voire une grande claque!". Je connaissais Danny Schmidt. Pas depuis longtemps, Hervé me l'avait conseillé par mail. J'avais alors visité son site (http://www.dannyschmidt.com) où l'on peut télécharger gratuitement plusieurs titres de chacun de ses albums (et après, il est rare que l'on ait pas envie d'acheter le reste). Ce fut ensuite le téléchargement (payant mais à un prix raisonnable) de ses 3 albums studio: "Enjoying The Fall" (2001), "Make Right The Time" (2003) et "Parables & Primes" (2005). Un peu plus tard, de la même manière, je me procurai son premier album, datant de 1999, "Live At The Prism Coffeehouse" (qui n'est plus, contrairement aux autres, disponible en version CD) chez iTunes (moins bien et plus cher que eMusic, par exemple). Dans les 24 heures précédant le concert, j'avais réécouté les 4 albums pour me mettre dans l'ambiance. J'étais donc prêt. Eh bien, ce ne fut pas une grande claque, ce fut une méga claque. Le personnage, d'abord, est très sympathique. Plein d'humour aussi et l'on s'en rend compte quand on visite son site internet. C'est un Texan, d'Austin, mais si on ne le sait pas, on ne le devine pas en l'écoutant (pour ma part, j'entends même chez lui des influences britanniques allant de Nick Drake à Richard Thompson en passant par David McWilliams – qui n'a pas fait que "Days Of Pearly Spencer"). C'est aussi un chanteur et guitariste de grand talent, et un auteur compositeur de haut niveau. Et pourtant, c'est avec une reprise de Bob Dylan ("Buckets Of Rain") qu'il a "emballé" l'assistance dès les premières notes. Vinrent ensuite quelques-unes de ses compositions. Ce fut magique mais trop court et, déjà, Danny céda la place à Kreg. Kreg Viesselman c'est un autre genre: "originaire du Minnesota comme un certain Robert Zimmermann, mais comme il n'y fait pas assez froid, il vit désormais en Norvège". Kreg, je ne le connaissais pas. Il a publié 3 albums (le dernier, "The Pull" est chroniqué dans le fameux "Crossroads" #50) que je n'ai jamais vus ni entendus. J'ai eu l'impression qu'il avait peur du public, murmurant quelques mots difficilement perceptibles de sa voix timide et rauque et partant presque en courant dès la fin de son set. Mais quelle mutation quand il chantait. Alternant morceaux bluesy et ballades tendres, Kreg vit ses chansons d'une façon assez fascinante. Une voix qui fait penser parfois à Joe Cocker ou à Tom Waits (il est plus proche de ce dernier pour l'ambiance), des mélodies que ne renierait pas Eric Andersen, un jeu de guitare plus agressif que celui de l'aérien Danny Schmidt. Bref, quelqu'un qu'on a envie de mieux connaître. L'entracte passa. Elliott Murphy était là, en bandana, en train de boire une mousse et de converser avec un de ses supporters (déjà aperçu "chez Paulette" le 4 mai 2006), coiffé lui d'un chapeau rond,. Bref passage d'Hervé sur scène pour présenter, ou plutôt annoncer, Iain Matthews (les présentations sont superflues entre vieux amis) et nous étions partis pour 2 heures d'enchantement. Iain a 60 ans, mais le temps ne semble pas avoir de prise sur lui, ni physiquement (malgré quelques cheveux gris), ni vocalement (il a d'ailleurs commencé par un morceau a cappella, ce peu d'artistes se risquent à faire). J'aimerais parler des moments forts, mais j'ai l'impression qu'il n'y en a pas eu d'autres. Armé de sa guitare, assis derrière le micro, Iain a chanté, parlé, raconté des histoires. Non seulement Iain chante bien mais, en plus, il parle bien Anglais. Vous pourrez me rétorquer que c'est la moindre des choses, mais son Anglais à lui, j'arrive à le comprendre! C'est ainsi qu'il interpréta 2 titres évoquant Hank Williams (tous deux extarits de "Journeys from Gospel Oak"), qu'il parla, après l'interprétation de "Get It Back" de ses "Seattle years" et du groupe Hi-Fi (que Rock & Folk, à l'époque, avait baptisé High Fire) au sein duquel il officiait aux côtés de David Surkamp (ex Pavlov's Dog). Parmi les grands moments, je retiendrai l'interprétation a cappella de "Galway to Graceland" de Richard Thompson. Une version de "Can't Buy Me Love" (!) des Beatles ou de "I Believe In You" de Neil Young. Vint alors le moment où Elliott monta sur scène. Ce ne fut pas simple, il fallut un peu déblayer pour installer une seconde chaise et aménager l'espace nécessaire à la cohabitation de 2 guitares en bois. Mr. Murphy n'était pas là pour vendre son nouvel album ("Coming Home Again", dans les bacs le 26 février), mais pour le plaisir de jouer avec un pote. Elliott, Américain de Paris, et Iain, Anglais des Pays-Bas (après un long séjour aux States), se sont donc rejoints pour 2 titres. Le premier fut un vrai moment de magie: "Blind Willie McTell" de Bob Dylan pour une interprétation qui nous éleva vers les étoiles (ce qui est une sacrée performance, dans un caveau voûté!). Parenthèse: je ne comprendrai jamais pourquoi Bobby n'a pas trouvé ce morceau assez bon pour figurer sur l'un de ses albums – ou peut-être était-il trop bien pour ses disques de l'époque?). J'ai eu l'impression que les duettistes eux-mêmes ont eu du mal à redescendre. Ce fut ensuite "Brown Eyed Girl", le premier single solo de Van Morrison après la période Them dans une interprétation très décontractée, après une présentation où Iain chambrait gentiment Elliott qui avait appris quelques paroles pour chanter en duo ce qui était à l'origine une interprétation solo. Ce fut certes loin d'être parfait mais ce fut un vrai moment de plaisir partagé. Et Iain reprit possession des lieux, continuant en toute simplicité à raconter ses petites histoires, à chanter ses jolies chansons. Une réelle complicité existait entre l'artiste et ses spectateurs. Le temps s'écoula trop vite. Il n'y eut que des grands moments. Je note des titres comme "Compass and Chart" ou "The Ballad of Gruene Hall" évoquant un des hauts lieux de la musique texane. Et dautres encore, dans le désordre: "Back Of The Bus ; "Contact", "To Be White", "Funk & Fire", "Just One Look", "1944" , "Benjamin Riley"… Et Iain quitta la scène. Et revint pour un rappel. Et repartit. Il revint pour un dernier "encore" et de nouveau un titre de Van l'Irlandais: "And It Stoned Me". Et ce fut le moment de se quitter. Hervé annonça les prochains concerts: un beau programme, avec tout d'abord Hayes Carll et Mark Erelli dès le dimanche 18. Deux horizons différents, mais la promesse d'une bonne soirée. (J'ai cru comprendre que la programmation d'ici la fin de l'année a déjà évolué depuis et dans un sens qui ne peut que me ravir!). Je crois que que je n'ai jamais vu autant de sourires, et des sourires d'une telle qualité, en quittant la salle. Difficile après une telle soirée de revenir à la réalité. Certains des spectateurs avaient assisté aux 2 concerts, mardi et jeudi (Iain a d'ailleurs adapté son set afin de ne pas trop se répéter) et je pense que si on leur avait proposé une troisième soirée le samedi, il seraient tous revenus! En tout cas, Hervé, si tu veux remettre le couvert, garde-moi une place ou deux (plus une pour mes jambes…). On murmure que Iain reviendrait en décembre, avec Andy Roberts, son vieil alter ego de Plainsong! Est-ce-possible? Après tout, décembre est le mois du Père Noël et je recommence à y croire…
Commentaires
Boy! Je comprends qu'il t'ait fallu un peu de temps pour écrire tout ça mais le fond, c'est ton truc, si j'ai bien compris! Je fais suivre à tous les présents de mardi et jeudi.
Merci pour ce compte rendu et à dimanche!
Hervé
La course de fond, c'était un peu mon truc mais j'ai mis une croix (provisoire?) dessus il y a un an. Je reviens quand même d'un footing de 10km et ça fait du bien
Quant à mon texte, c'est juste un brouillon amélioré. Il y a plein de choses qui restent au niveau du ressenti et que j'ai du mal à exprimer. Et puis, j'avais la tête ailleurs en arrivant. Inutile de te dire que ces 3 heures magiques ont été salutaires de ce point de vue.
Bravo pour cette chronique, on s'y croirait presque même lorsqu'on n'y était pas ! Je suis partant, avec Madame Maître Chronique, pour une soirée commune à la Pomme d'Eve ! Pour décembre, fais-le nous savoir dès que c'est confirmé et qu'on puisse organiser une petite virée !
Et en plus, je connais très bien ce coin de Paris, ayant beaucoup fréquenté pour raisons professionnelles la Rue de l'Estrapade, qui est à moins de 100 mètres du Panthéon !
Ca ferait une belle idée de texte à deux voies : le tien écrit avec la plume du spécialiste de la question, le mien avec celle du néophyte découvrant de nouveaux horizons musicaux !
Salut les frangins!
Pour décembre, je vais voir s'il est possible de faire ça un samedi soir, ce serait peut être plus facile pour vous autres voyageurs "longue distance".
Hervé
Ah oui, ah oui ! Un samedi soir ! Hervé, si tu peux faire ça, ce serait vraiment formidable. En plus... le dimanche matin, y a toujours moyen de se faire une petite expo quelque part dans la capitale... avant de rentrer en notre lointaine Lorraine !
J'ai l'impression qu'un dimanche soir serait plus facile qu'un samedi soir... Pour vous, c'est pas terrible?
Ben le problème du dimanche soir, c'est qu'en Lorraine - et c'est vrai aussi dans la Marne - il est très très souvent suivi d'une saloperie de lundi matin...
Sauf si ce dimanche est inclus dans une période de vacances... mais bon... nous ne sommes maîtres d'aucun calendrier !!!
j'en cause avec le patron dimanche et je vous tiens au courant. Z'imaginez Gérard Drouot aller voir ses spectateurs pour leur demander si ils préfèrent le lundi ou le samedi?
Il y a aussi le dimanche après-midi, mais c'est sans doute trop tôt pour les noctambules parisiens qui ne sont pas encore levés! Et puis pour les nancéens, n'oubliez pas que le TGV sera en service...