Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Walk the line

    Vu hier soir, le film retraçant la vie du "Man in black", le grand Johnny Cash, depuis l'enfance jusqu'à l'année 1968, qui fut pour lui une année charnière.

    En effet, ce fut l'année du fameux concert à la non moins fameuse Folsom Prison ("Folsom Prison Blues", je le rappelle, fut l'un des premiers titres enregistrés en 1955 par J.R. Cash pour Sun Records); 1968 fut aussi l'année où Cash décrocha des amphétamines qui l'avaient quasiment détruit (grâce à June Carter qui n'avait pas réussi 15 ans plus tôt à sauver Hank Williams de ses démons); année encore où Johnny épousa la même June Carter (fille de Mother Maybelle Carter, de la Carter Family, sans qui la country music ne serait pas ce qu'elle est), et ce mariage dura jusqu'à leurs morts en 2003, en mai pour June et en septembre pour Johnny; 1968 fut enfin, hélas, l'année où périt, dans un incendie, le fidèle guitariste qui l'accompagnait depuis le début, avant les premiers enregistrements, Luther Perkins.

    Je ne raconterai pas ce film qui se voit comme se lit un roman et qui rend justice à Johnny Cash qui était bien plus qu'un chanteur de country music contrairement à l'étiquette qu'on lui attribue parfois.

     J'avais des craintes, notamment sur le plan musical, dans la mesure où Joaquin Phoenix assure lui-même la partie vocale (comme le fait Reese Witherspoon pour June Carter). Il faut l'admettre, la voix de Johnny Cash est unique mais, cela étant posé, on finit par l'oublier pour ne plus penser qu'à l'intrigue. Et pour ceux qui connaissent moins bien l'homme en noir, cela ne constitue nullement un handicap.

    Et puis, dès le générique de début, on peut être rassuré par le fait que la production musicale est dans les mains de T Bone Burnett, qui était déjà aux commandes pour "O Brother", dont la bande-son est une grande réussite.

    Dès mon retour "at home", j'ai ressorti mon coffret des enregistrements pour Sun Records parce que, quand même, le premier effet du film, c'est de donner envie d'écouter le vrai Johnny Cash.

    Faites-en autant, beaucoup de CD ont été réédités ces dernières années, à l'occasion des 70 ans de l'artiste et après sa mort. Et puis ses derniers enregistrements publiés entre 1994 et 2002, sous la houlette de Rick Rubin, valent également l'oreille qu'on y jette, et plus encore.

    À noter également un dossier bien fait sur le dernier numéro de "Crossroads" (musique et cinéma). Survol de la vie et la carrière de Johnny Cash, discographie sélective (avec cependant une erreur concernant le coffret "Cash Unearthed" publié en 2003), interview du metteur en scène, de la fille Rosanne Cash (qui vient de publier un album - son dixième si je compte bien - "Black Cadillac"), et même une des dernières de Johnny lui-même.

     

     

  • DAVE ALVIN

    "Every Night About This Time" ou "Romeo's Escape" (1987)

     

     

    On ne le dira jamais assez. les Blasters furent aux années 1980/1985 ce que Creedence Clearwater Revival fut aux années 1968/1971 (au sujet de ce groupe, voir l'admirable note écrite sur http://musiques.hautetfort.com/ ).

    Les Blasters reposaient sur les frères Alvin, originaires de Downey, California. Phil, l'ainé, était le chanteur du groupe, dans la pure tradition rock & rollienne. Dave, le plus jeune (né en 1955) était le lead guitariste et l'auteur et compositeur des originaux du groupe. Et quel compositeur! De ceux (très rares – John Fogerty, John Hiatt et très peu d'autres) qui sont capable de ciseler en 3 minutes ce qui deviendra un hymne séduisant à la fois les rockers et les country men. Avec les Blasters, Dave écrivit, parmi d'autres joyaux: "American Music", "Border Radio", "Long White Cadillac" ou "Marie, Marie". Le groupe était une véritable sensation scénique à Los Angeles et devint petit à petit un groupe culte aux USA comme en Europe. Mais le respect de la critique et l'enthousiasme des fans de base ne leur donnèrent pas la reconnaissance commerciale qu'ils pouvaient espérer.

    En 1985, Dave quitta les Blasters et embrassa assez vite une carrière solo, après un passage chez ses voisins et amis, le groupe post-punk X.

    Son premier album paru en 1987 parut d'abord au Royaume-Uni sous le titre "Every Night About This Time" (catalogué comme album rock alors que la chanson-titre est une superbe ballade country) avant d'être édité aux U.S.A. sous le titre "Romeo's Escape" (commercialisé comme un album country alors que le titre est le rock le plus "sauvage" du disque).

    Album éclectique, il montre la passion de Dave pour le blues, la country music et le rock "roots". Cette diversité (de même que la stratégie marketing discutable, des deux côtés de l'Atlantique) a sans doute d'ailleurs nui au succès de l'album qui, sur le plan commercial, a été tout relatif.

    Entouré de top-musiciens (David Hidalgo et Steve Berlin de Los Lobos, John "Juke" Logan, Tony Gilkyson ou Greg Leisz), Dave Alvin se révèle être aussi un vocaliste (qu'il n'était pas avec les Blasters) de qualité, plus à l'aise à ce stade de sa carrière dans les ballades que les morceaux plus rapides. Et il démontre qu'il n'a rien perdu de son talent de compositeur.

    Plusieurs morceaux des Blasters sont ici repris: "Long White Cadillac" (un succès en 1989 par Dwight Yoakam), "Border Radio" et "Lonesome Jubilee". L'interprétation nouvelle démontre si besoin en était, avec un nouvel éclairage, leur qualité intrinsèque.

    Et les nouvelles compositions comme "Every Night About This Time" ou "I Wish It Was Saturday Night" sont loin de faire pâle figure par rapport à ces standards.

    Depuis, Dave Alvin a publié plusieurs albums confirmant son statut d'artiste et notamment de vocaliste à part entière. À noter "Public Domain: Songs From The Wild Land", en 2000, collection plus acoustique de morceaux traditionnels folk et blues ainsi que le dernier en date "Ashgrove", en 2004, qui le voit revenir à ses premières amours, rock et blues.

  • Raccourci

    Aujourd'hui est célébré le quatre-vingt-dixième anniversaire du début de la bataille de Verdun. Je ne ferai pas un cours d'histoire, il vous suffit de vous reporter à votre quotidien préféré et vous en saurez autant que moi.

    J'ai encore en mémoire certains paysages, dans les années 50 (c'est ça, Pépé, tu vas radoter!) avant que les agriculteurs ne remettent en exploitation (la Côte du Talou, par exemple) certaines parcelles, souvent au péril de leur vie, avant que la forêt ne reprenne ses droits sur d'autres zones (le Ravin de la Mort, à proximité de la Tranchée des Baïonnettes). Ces images, 40 ans après la bataille, avaient suffi à faire comprendre à mon esprit d'enfant curieux ce qu'avaient pu endurer ceux qui l'avaient vécue. Et puis le silence gardé par les survivants, qui ne pouvaient pas raconter, était d'une éloquence assourdissante.

    Quelques semaines après ce 21 février, mon grand-oncle, Albert, venu de sa Creuse natale, la fleur au fusil, était tué à 20 ans près de Verdun, aux Éparges.

    Le 30 juin naissait mon père, quelque part sur le doux Plateau de Millevaches (dont - je le dis pour les béotiens - le nom n'a rien à voir avec les bovidés mais - déformation du patois local - fait allusion aux innombrables sources qui affleurent sur ledit plateau). Il fut prénommé Albert, en hommage à l'oncle qu'il n'aurait jamais le bonheur de de connaître.

    Un peu plus de 85 ans plus tard, mon père décédait à Verdun, où il avait vécu plus d'un demi sècle.

    L'histoire (le destin?) a parfois des raccourcis surprenants.

     

  • Richard Gilly

    Quand on passait la porte du pavillon de banlieue, la deuxième pièce à droite, c'était la cuisine. C'est là qu'il est arrivé: son père était à l'Opéra où il répétait et sa mère répétait qu'il était à l'Opéra. Il a passé son enfance bercé par les violons de la fosse d'orchestre.

    "Toutes ces héroïnes qui tombaient comme des mouches dans le dernier acte, c'était beau. Y'avait pas qu'les mouches, la neige aussi tombait sur les grands voiles de tulle, et des princes, des rois tombaient à leurs genoux."

    Lui qui avait vu les ténors travailler leur diction avec un crayon dans la bouche, il découvre soudain Robert Zimmerman qui, lui chante avec une pince à linge sur le nez.

    Une école d'arts appliqués, un voyage à Florence, et le voilà qui, de casses en décharges, réalise une série de Don Quichotte qui rouillent lentement de salons en galeries. Quand ce n'est pas de la sculpture, il compose des chansons; quand une musique lui résiste, il peint. "Être vrai n'a qu'un inconvénient : le temps !"

    Comme le héros de Cervantes, il suit son but comme une étoile, il va au plus profond, il voyage en apnée, pas forcément dans le grand bleu, mais toutes les nuances de gris; pas forcément triste, mais vrai.

    Une voix, une âme, des émotions : des vraies, celles qui vous font dresser les poils sur l'avant-bras... En tout cas une chose est sûre c'est que vous le prenez en pleine gueule, avec des choses qu'on croyait bien planquées, qu'on avait enfouies, "des sentiments" .

    En 1993, l'album "Rêves d'Éléphant" fut une révélation. Adulé par la critique, reconnu par ses pairs-critique dithyrambique, clip des clips sur M6, (I love Paris) - c'est la fermeture de FNAC Music qui empêchera Richard de connaître enfin la consécration qui lui tendait les bras.

    Cinq années ont passé et c'est dans l'exil en Louisiane qu'il trouve un exutoire à son art créatif. Entouré de musiciens de talent, dans le studio de Daniel Lanois, il cisèle un bijou d'album qui va droit au coeur.

    Soyez prêts à l'extraordinaire des années d'ordinaire...

     

    Telle est la biographie de Richard Gilly que vous pourrez découvrir sur le site http://www.musikafrance.com.

     

    Pour compléter, il faut savoir que l'artiste n'a pas été envahissant pour ce qui est de la production discographique: "Je ne suis pas un grand fermier" (1971), "Les froides saisons" (1975), "Portrait de famille" (1977), "Râleur" (1984), "Rêves d'éléphant" (1993) et, enfin "Des années d'ordinaire" (2002).

    Et il travaille actuellement sur "Vincent, l'homme à l'oreille coupée", fresque musicale en 3 actes, projet dévoilé début 2005. Quelques extraits peuvent être entendus sur le site internet de Musika France. Mais les choses étant ce qu'elles sont, notamment sur le plan financier, nul ne sait quand l'aboutissement surviendra, s'il survient.

    En attendant, on peut passer le temps en écoutant "Des années d'ordinaire" (uniquement disponible – s'il l'est encore – sur ce même site). Cet album a été enregistré à la Nouvelle Orléans avec, entre autres, Frédéric Koella (connu pour son travail avec Willie Deville) à la production et à toutes sortes d'instruments (dont les guitares, mandoline, banjo, lap steel, dobro, violon, etc.). Cet album est une réussite d'un bout à l'autre, le style Gilly (mi-naïf, mi-féroce) est parfaitement mis en valeur par la qualité de l'instrumentation et des arrangements. Richard reprend 2 de ses anciens titres ("Va lui dire que c'est une conne" et "Blonde" – tout un programme). D'autres morceaux  comme "Nouveau monde", "Spanish" ou "Dieu reconnaîtra Lucien" (!) révèlent les différents aspects du chanteur, par ailleurs sculpteur de talent.

    Cet album mérite qu'on y jette une oreille (sans pour autant la couper) et l'homme mérite tout notre soutien. Pour ses projets. Pour son honnêteté. Pour l'ensemble de son œuvre.

    Vous connaissez l'adresse.

     

  • PAUL SIEBEL

    "Woodsmoke and Oranges" (1970)

    Né en 1937 à Buffalo (New York), Paul Siebel n'a publié que deux albums: "Woodsmoke and Oranges" en 1970 et "Jack-Knife Gypsy" en 1971. Un album live enregistré en 1978, avec David Bromberg et Gary White, fut certes publié en 1980, Paul Siebel continua bien à se produire dans de petits clubs jusqu'au milieu des années 80, mais il retomba vite dans un anonymat qu'il n'avait sans doute jamais réellement désiré quitter. Paul Siebel, adolescent, passait des nuits entières à écouter à la radio Hank Williams, Jimmie Rodgers ou Hank Snow. Il acquit sa première guitare dont il devint un pratiquant autodidacte. À partir de 1960 il chanta et joua dans des endroits tels que Fort Knox (Kentucky), Fort Eustis (Virginia) et même… Nancy (France). De retour à Buffalo en 1962 il joua dans les clubs locaux avant de vivre à New York à compter de 1964 et de se produire régulièrement à Greenwich Village dès 1965 dans des endroits tels que "Four Winds" ou "Gerde's Folk City" où il fit l'ouverture de prestations de José Feliciano, pour sa première apparition rétribuée en 1966. En 1969, il enregistra les maquettes d'une vingtaine de titres qui séduisirent le patron d'Elektra Records, Jac Holzman. Ce dernier n'avait cependant pas la conviction que Siebel avait une réelle volonté de réussir dans le "business", ce en quoi l'avenir lui donna raison. Il lui alloua donc un budget réduit pour réaliser un album en 4 sessions de 3 heures. Effectivement, 2 heures de répétitions et 4 soirées d'enregistrement donnèrent naissance à "Woodsmoke and Oranges", coup d'essai, coup de maître et quasiment chant du cygne de Paul Siebel, entre folk et country. Avant de connaître Paul Siebel, je l'ai découvert par des reprises: "Louise" par Plainsong ou Linda Ronstadt, "She Made Me Lose My Blues" par les Flying Burrito Bros ou Rick Roberts, "Bride 1945" par Ian Matthews. Et lorsqu'en 1975 je découvris au Marché Malik (Puces de Clignancourt) le précieux vinyle, je n'hésitai pas à me fendre de quelques francs pour en faire l'acquisition. Et pour l'amateur de Bob Dylan et de Gram Parsons que j'étais, ce fut un véritable choc. J'avais rarement entendu (et cela est resté limité à quelques grands) une œuvre me faisant une telle impression, immédiate et durable à la fois. Et plus de 35 ans après sa publication, je peux réécouter le disque en éprouvant les mêmes sensations que la première fois. Tout y est: les mélodies, les textes, la voix, les arrangements. On sent que l'artiste a mis dans son enregistrement tout ce qui est en lui, son cœur et son âme, comme s'il avait voulu tout dire, pour ne pas avoir à le refaire. Chaque moment de l'album exprime une urgence en partie sans doute favorisée par les conditions de l'enregistrement.

    Il faudrait citer les 10 titres, tellement chacun est fort et touchant, tour à tour tendre et acide. J'ai personnellement un faible pour les sublimes ballades que sont "Then came the children" ou "Long afternoons", mais des morceaux plus enlevés comme "Nashville again" ou "She made me lose my blues" n'ont rien à leur envier, et je peux en dire autant de chacun des autres.

    "Jack-Knife Gypsy", publié peu après, est encore un album d'excellente facture, même si le souffle exceptionnel qui porte chaque note de "Woodsmoke and Oranges" a un peu faibli. Et puis vint le silence.

    WEA a eu l'excellente idée de rééditer ces deux disques en un seul CD en 2004. C'est peut-être la dernière occasion de découvrir celui dont un critique écrivit:

    "Like John Prine, Siebel is a singer/songwriter who has serious things on his mind, but doesn't forget to write memorable melodies to accompany the words. Although he'd never outdo his work on Woodsmoke and Oranges, few artists ever craft an album this good".