Hayes & Mark croquent la Pomme
Voici donc où j'en étais ce dimanche (un vrai dimanche d'été sur Paris) vers 19H00. En fait, à 19H00, il faisait frisquet près de St Etienne du Mont et du Panthéon (à l'ombre duquel nous degustames une rapide collation).
À vrai dire, ma curiosité m'avait, la veille, poussé à voir (et entendre) comment Hayes Carll sonnait sans orchestre. Et j'avais trouvé sur la toile un concert fort sympathique enregisté au Texas le 30 novembre dernier.
(13 titres (Hayes seul à la guitare sur 8 d'entre eux et avec une discrète steel guitar pour les autres) parmi lesquels "I Don't Wanna Grow Up" de Tom Waits, "Worry B Gone" de Guy Clark, "Bill Morrissey Falls In Love At First Time" de Bill Morrissey, et puis bien sûr quelques compositions de Hayes dont le joyeux "Good Friends" ou le lancinant "Arkansas Blues".
Ce que j'avais entendu me démontrait que les univers de Mark et Hayes avaient finalement beaucoup de convergences. Et ce que je vis (entendis) en arrivant à la Pomme un peu avant 19H00 le confirma. Personne en haut de l'escalier, mais le son de guitares (au pluriel) qui répétaient. Et Hervé monta pour l'accueil de ses invités et nous dit avec un grand sourire que les deux nouveaux compères allaient lui faciliter la tâche. Pas de problème de préséance, ils allaient chanter ensemble. Comment? C'était la surprise pour tout le monde.
Au bas de l'escalier, se trouvent les toilettes, ce qui a son importance. En effet, attendant à la porte, j'en vis sortir un grand gaillard blond et barbu qui me salua gentiment. Et moi de lui répondre "Bonsoir Mister Carll". Regard surpris. Tiens, quelqu'un qui me connaît en France. Et moi: "I love your albums" (notez l'originalité de la réplique). Lui: "Oh! What's your name?". J'ai dû lui avouer que j'étais Français, la rencontre avec ses compatriotes serait pour plus tard. Puis vint dans le sens inverse un gaillard brun, aux cheveux plus longs, qui me dit, en Français "Bonjour". À quoi je repondis: "Bonsoir Monsieur Erelli" (toujours des répliques à la Audiard). Mais Mark ne sembla pas surpris que je le reconnaisse, il s'était déjà produit à la Pomme d'Ève en 2005 (à l'époque, je ne le connaissais pas encore). Ces deux garçons paraissaient en tout cas très simples et très sympathiques.
Ce fut l'attente, un peu longue. Sur la scène, 2 chaises côte à côte, 2 guitares, 2 micros. Puis la salle se remplit peu à peu. Si l'on excepte Hervé, quelques piliers du club et nous, les francophones devaient se compter sur les doigts d'une main. Tant pis pour les autres, ils ont manqué un grand moment.
Enfin, un peu après 20H30, ce fut l'introduction des 2 artistes, Hayes à gauche, Mark à droite. Ce dernier prit la parole en premier, et attaqua vite "Undone" extrait de "Hope & Other Casualties". À ce stade, deux constats: Hayes était à côté, attentif et se contentant de mimer des accords, et la guitare de Mark avait un son un peu bizarre (qui, si j'en crois Hervé, surprit même le preneur de son) – mais cela s'arrangea très vite. Le deuxième morceau fut pour Hayes (je ne l'ai pas identifié, et pour cause car il s'agit d'une nouvelle composition encore sans titre).
Et là, on comprit très vite que l'on passerait une grande soirée. D'abord parce que Hayes Carll, sur scène, confirme tous les espoirs qu'ont laissé naître ses disques. Et puis parce que Mark (qui mériterait le prix Nobel de la camaraderie) jouait sur ce morceau, comme il le fit pour les autres dans la soirée, le rôle d'un sideman du plus haut niveau. Pour ceux qui le connaissent un peu, ce n'est qu'un demi-suprise car c'est ainsi qu'il joue très régulièrement lorsqu'il tourne dans son pays natal. La soirée allait se dérouler ainsi, "in the round", i.e. chacun son tour.
"Evening's Curtain", "Hey Baby Where You Been" puis Mark empoigna sa mandoline pour "Imaginary Wars" et la conserva pour accompagner Hayes sur "Bill Morrissey Falls In Love At First Time" de Bill Morrissey. Il y eut ensuite "Birches" et "Little Rock" (avec Mark à l'harmonica), un nouveau titre "Volunteers" que Mark annonça comme son prochain "MP3 of the month" (et un grand morceau dont le texte va sans doute faire plaisir à GWB).
Arriva la pause prise par les deux complices (on peut le dire) sur un morceau de Hayes "Wish I Hadn't Stayed So Long" (à ne pas prendre au premier degré, bien sûr). Dans la salle, au bar, ce fut un vrai moment de convivialité dans cette ambiance si particulière de la Pomme (sans tabac, ce serait encore mieux). La pause est aussi le moment pour les artistes de vendre quelques CD; Hayes l'annonça en faisant remarquer que contrairement à Mark, il n'en avait apporté qu'un ("Little Rock") et qu'il ne fallait pas oublier de l'acheter...
Retour des désormais duettistes pour 4 titres chacun, toujours "in the round", un "Arkansas Blues" très Dylanesque répondant au percutant "Troubadour Blues".
Puis ce fut le premier rappel ("Un titre chacun car nous n'avons pas eu le temps d'en apprendre un en commun"), et un second "encore" sur le même principe. Et la soirée s'acheva, pour Mark, sur "The Only Way" (titre post 11 septembre qui arracha les applaudissements des Américains présents) et, pour Hayes, sur "Rivertown" composé avec Guy Clark.
Que dire de plus: que ce fut une grande soirée? Le mot est trop faible. Il y avait quelque chose d'exceptionnel dans ce concert. Deux types qui ne se connaissaient pas un semaine avant et qui s'entendent si bien sur scène, cela ne doit pas se produire tous les jours. Le mérite en revient principalement à Mark dont la "musicienneté" (© Quiet Man 2007) éclatait sur chaque morceau, qu'il seconde Carll à la guitare, à la mandoline, à l'harmonica ou aux harmonies vocales. Et l'on sentait la réelle admiration teintée de rconnaissance de Hayes qui comprenait bien la dimension supplémentaire apportée par Mark à des compositions qui en elles-mêmes volent déjà très haut.
Mais Hayes est de son côté un des plus grands talents à émerger du Texas, et bien au-delà, ces dernières années. Pour moi, il est déjà au niveau de John, Townes, Guy, Steve, Tom, Greg et les autres. Il ajoute en plus une certaine dose d'humour (mais il parle moins bien Anglais que Iain Matthews donc je n'ai pas tout compris) notamment lorsqu'il évoque l'architecture de la salle et dit que, s'il joue mal, il a peur d'être enfermé dans le donjon!
Musicalement, les deux hommes se rejoignent sur de nombreux points et notamment en ce qui concerne les reprises. Ils ont la même admiration pour Bill Morrissey (qui va mieux, merci) dont ils ont interprété 3 titres. Hayes en est un fan depuis ses "college days" en Arkansas et Mark se souvient d'avoir reçu par la poste une cassette de Robert Earl Keen (Junior, a-t-il précisé), autre Texan, portant un T-Shirt à l'effigie de Bill. Et Mark a chanté "I'll Be Here In The Morning" du Texan Townes Van Zandt, un des "maîtres" de Hayes. Ils ont aussi des registres vocaux complémentaires et différents, ce qui a fait passer la soirée encore plus vite.
Vous savez quoi? Ce fut une grande soirée de musique… Et, en prime, pour une fois, vous aurez droit à la liste des titres interprétés en ce dimanche soir, rien que pour vous faire regretter de n'avoir point été présents…
Mark: "Undone" / Hayes: Nouvelle chanson, sans titre: "I hope you understand" (?) / Mark: "Evening's Curtain" / Hayes: "Hey Baby Where You Been" / Mark: "Imaginary Wars" avec mandoline / Hayes: "Bill Morrissey Falls In Love At First Sight" (Bill Morrissey) avec Mark à la mandoline / Mark: "Birches" (Bill Morrissey) / Hayes: "Little Rock" avec Mark à l'harmonica / Mark: "Bend In The River" / Hayes: "Willing To Love Again" / Mark: "Volunteers" / Hayes: "Wish I Hadn't Stayed So Long".
Break
Mark: "River Road" / Hayes: "It's A Shame" / Mark: "Troubadour Blues" / Hayes: "Arkansas Blues" / Mark: "I'll Be Here In The Morning" (Townes Van Zandt) / Hayes: "Good Friends" / Mark: "Passing Through" / Hayes: "The Long Way Home"
First Encore - Mark: "A Case Of You" (Joni Mitchell) / Hayes: "Live Free Or Die" (Bill Morrissey) avec SuperMark à la mandoline
Second Encore - Mark: "The Only Way" / Hayes: "Rivertown"