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  • Vincent

    Don McLean a tout d'abord chanté dans le circuit des folk-clubs aux U.S.A. avant d'acquérir un début de reconnaissance pour avoir œuvré quelque temps avec Pete Seeger.

    Il chantait principalement dans les écoles lorsqu'il a écrit "Vincent" en 1970 après avoir lu un livre sur la vie du peintre Van Gogh. Son projet fut rejeté par un certain nombre de compagnies discographiques mais il obtint néanmoins un contrat auprès de MediArts pour enregistrer d'autres chansons sous le titre de "Tapestry".

    Il enregistra finalement "Vincent" qui parut en 1971 sur l'album "American Pie".

    Depuis les années 1970, le musée Van Gogh à Amsterdam joue ce morceau quotidiennement et une copie de la partition de la chanson, en compagnie d'un jeu de pinceaux de l'artiste, est enterré dans une "time capsule" près du musée.

    La chanson elle-même fut, en dehors des États-Unis, un hit encore plus grand que le très connu "American pie", atteignant le n°1 au Royaume-Uni.

    Pour moi, c'est une des plus belles chansons jamais écrites, servie par une mélodie et une voix exceptionnelles. À défaut de l'entendre, le texte seul mérite qu'on s'y arrête quelques instants…

    "Car ils ne pouvaient pas t'aimer, et pourtant ton amour était vrai / Et quand il n'y eut plus d'espoir, en cette nuit étoilée / Tu pris ta propre vie comme le font souvent les amoureux / Mais j'aurais pu te dire, Vincent / Que ce monde n'était vraiment pas fait pour quelqu'un d'aussi beau que toi…"

    VINCENT

    (Don McLean)

    Starry starry night, paint your palette blue and grey
    Look out on a summer's day with eyes that know the darkness in my soul
    Shadows on the hills, sketch the trees and the daffodils
    Catch the breeze and the winter chills, in colors on the snowy linen land

    Now I understand what you tried to say to me
    How you suffered for you sanity How you tried to set them free
    They would not listen they did not know how, perhaps they'll listen now

    Starry starry night, flaming flowers that brightly blaze
    Swirling clouds in violet haze reflect in Vincent's eyes of china blue
    Colors changing hue, morning fields of amber grain
    Weathered faces lined in pain are soothed beneath the artist's loving hand

    Chorus:
    For they could not love you, but still your love was true
    And when no hope was left in sight, on that starry starry night
    You took your life as lovers often do,
    But I could have told you, Vincent,
    This world was never meant for one as beautiful as you

    Starry, starry night, portraits hung in empty halls
    Frameless heads on nameless walls with eyes that watch the world and can't forget.
    Like the stranger that you've met, the ragged man in ragged clothes
    The silver thorn of bloody rose, lie crushed and broken on the virgin snow

    Now I think I know what you tried to say to me
    How you suffered for you sanity How you tried to set them free
    They would not listen they're not listening still
    Perhaps they never will.

  • Scoop toujours...

    Je vais vous donner quelques raisons de faire des économies et/ou de dépenser intelligemment l'argent durement gagné. Quelques sorties de CD sont programmées ces prochaines semaines, parmi lesquelles des suprises.

    "Surprise", c'est précisément le titre de l'album de Paul Simon qui sort dans une quinzaine de jours. La première surprise, c'est que 3 titres sont co-écits avec Brian Peter George St. John le Baptiste de la Salle Eno (ça, j'avais envie de le placer depuis longtemps). La seconde surprise, c'est le disque lui-même car je n'ai pas la moindre idée de ce à quoi il peut ressembler.

    Cette semaine, 2 sorties sympathiques. "All the Roadrunning", album en duo de Mark Knopfler et Emmylou Harris (10 compositions du premier nommé et 2 de notre country Lady favorite). Et puis le "Boss", Bruce Springsteen dans un disque hommage (dual disc, avec DVD) au papy du folk Pete Seeger, intitulé "We Shall Overcome – The Seeger Sessions". Et tous ces braves gens nous feront l'honneur d'une visite en notre capitale dans les prochaines semaines.

    Pour finir (provisoirement) avec cette rubrique, Dave Alvin sortira fin mai "West of the West", disque-hommage à son état natal, la Californie, au travers de titres dont cet État est le sujet ou de compositeurs qui en sont originaires. On retrouvera ainsi Los Lobos ("Down on the Riverbed"), Tom Russell ("Between the Cracks"), John Fogerty ("Don't Look Now"), Brian Wilson ("Surfer Girl"), Jackson Browne ("Redneck Friend"), mais aussi Jerry Garcia, Merle Haggard ou John Stewart.

    Au prix du gasole, il suffira bientôt de rouler quelques kilomètres de moins pour s'offrir ces trésors… ou d'autres, selon vos goûts…

  • Gone with the wind (1)

    Depuis le début des sixties, à l'époque où les Beatles et Bob Dylan, s'appuyant sur l'héritage de leurs aînés, Chuck Berry ou Woody Guthrie, Carl Perkins ou Bukka White, et tant d'autres, ont été les catalyseurs d'un mouvement qui n'a pas cessé, la production discographique a généré nombre d'enregistrements, œuvrettes ou chefs d'œuvres, majeurs ou mineurs.

    Certains ont connu la lumière, parfois éphémère. D'autres sont restés dans l'ombre et y resteront peut-être toujours. Mais nous avons tous au fond de notre grenier ou de notre cœur, quelques disques, 33 tours ou 45 tours, parfois réédités temporairement en CD, ou CD aux ventes insuffisantes aux yeux des marchands, qui resteront gravés pour longtemps dans nos mémoires.

    Ces morceaux de ma vie, "gone with the wind" (© Margaret Mitchell), j'ai envie de commencer à les évoquer pour vous aujourd'hui.

     

    EMMYLOU HARRIS: "GLIDING BIRD" (1970)

    Née à Birmingham, Alabama le 2 avril 1947 dans un famille militaire, Emmylou a vécu ensuite en Caroline du Nord et en Virginie. Elle fit des études d'art dramatique durant lesquelles elle se mit sérieusement à la musique, faisant ses dents sur le répertoire de Bob Dylan et Joan Baez, puis se produisant en duo avec un camarade d'université, Mike Williams, dans la lignée de Ian (Tyson) & Sylvia. Elle partit ensuite pour New York, à l'époque du déclin de la scène folk, étouffée par la vague hippie-psychédélique. Elle se produisit régulièrement à Greenwich Village, en particulier au Gerdes Folk City où elle se lia d'amitié avec des artistes comme Jerry Jeff Walker, Paul Siebel ou David Bromberg.

    Elle épousa le songwriter Tom Slocum en 1969 et enregistra son premier album "Gliding Bird" publié sur le label Jubilee en 1970. Mais peu de temps après, Jubilee fit faillite et, alors qu'elle attendait son premier enfant, son mariage commença à sombrer.

    Ce fut ensuite le départ pour Nashville, et le divorce. Emmylou, abandonnée, se retrouva seule pour élever sa fille, Hallie. Plusieurs mois de luttes, la pauvreté, Emmylou s'éloigna alors de la musique et s'en retourna vivre chez ses parents dans une ferme non loin de Washington, D.C.

    Ces prolégomènes n'ont pas pour but de faire pleurer les lecteurs. La suite (si l'on excepte la relation tragique et destructrice avec Gram Parsons) fut heureusement plus belle. Mais c'est une autre histoire. Si j'ai résumé ces évènements, c'est parce qu'ils expliquent sans doute pourquoi Emmylou a toujours rejeté "Gliding Bird", l'omettant même de sa discographie officielle (cf. http://www.emmylou.net ).

    Pourtant, cet album est loin d'être honteux. C'est une œuvre de jeunesse, qui en vaut bien d'autres publiées par d'autres chanteuses. Certes, quand on est un familier de la Dame, ce disque n'est pas au même niveau de ce qu'elle enregistra par la suite. On note que l'influence de Joan Baez et plus encore de Joni Mitchell est sensible.

    Ce disque se partage équitablement entre les compositions d'Emmylou, au nombre de 5, et les reprises. Parmi celles-ci, "I saw the light" (Hank Williams) ou "I'll never fall in love again" (Hal David / Burt Bacharach) peuvent être facilement oubliées. En revanche, "I'll be your baby tonight" (Bob Dylan) ou "Everybody's talkin'" (Fred Neil) sont plus qu'acceptables, de même que "Gliding bird" de Tom Slocum.
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    Et puis, il y a Emmylou "songwriter". 5 titres dont elle n'a pas à rougir, "Fugue for the fox" ou "Waltz of the magic man" laissant même entrevoir la naissance d'un talent original.

    "Gliding bird" fut réédité quelques années plus tard, toujours en vinyle, par les Anglais de Pye Records, ce qui m'a permis de le découvrir. C'est un privilège car, depuis, Emmylou Harris s'est toujours opposée à une nouvelle publication, ce que l'on peut regretter.

     

    JOHN KAY: FORGOTTEN SONGS & UNSUNG HEROES (1972)

    Tout le monde (enfin, au moins parmi les plus anciens) connaît la voix de John Kay. Souvenez-vous: "The pusher", "Magic carpet ride" et, surtout, "Born to be wild", un des hymnes du film "Easy Rider". John Kay, c'était la voix de Steppenwolf. Joachim Fritz Kraudelat, c'est son vrai nom, est né le 12 avril 1944 dans une partie de l'Allemagne autrefois connue sous l'appellation Prusse Orientale. C'est grâce aux radios des forces armées américaines qu'il développa son intérêt pour la musique alors qu'il vivait en R.D.A. En 1958, il émigra à Toronto, au Canada, où il découvrit véritablement le Rock & Roll, apprit à jouer de la guitare, à composer et se produisit avec divers groupes locaux.

    Il fonda un groupe de blues-rock, The Sparrow, sans rencontrer l'audience espérée. Mais motivé par le succés d'un rock au son plus dur (Yardbirds, Cream, Jimi Hendrix Experience), il persévéra et ce fut le début de Steppenwolf qui connut 4 années fastes avant que son créateur ne décide de mettre un terme (provisoire) à l'aventure. Aussitôt après parut l'album objet de cette chronique.

    Je l'ai acheté un peu par hasard, 4 ans plus tard, dans un hypermarché où une grande partie du catalogue ABC / Dunhill était soldée pour 5,90F le 33 tours. Et j'ai découvert un album plus qu'attachant.

    Pour ceux qui cherchaient la suite de Steppenwolf, ce disque fut une déception. Pour d'autres, dont je fais partie, ce fut au contraire une révélation. La voix, rauque, était toujours là, mais sa puissance était contenue. 9 titres, entre ballades et blues-rock, tout en nuances, 5 reprises et 4 originaux. Le groupe est restreint et les orchestrations laissent la part belle aux instruments acoustiques (on rencontre même une mandoline et un dulcimer). On est donc loin de la rage du Loup des Steppes. Parmi les compositions de John Kay, je retiendrai surtout "Walk beside me" et son refrain entraînant ou "Somebody", ballade pleine d'émotion (seule titre où 3 choristes féminines au style gospel sont invitées).

    Les reprises? Du beau monde est au rendez-vous. Le folksinger amérindien Patrick Sky pour "Many a mile" qui ouvre le disque. Les seigneurs de la country music, Hank Williams pour "You win again" et Hank Snow pour "I'm moving on" où John Kay se proclame plus proche de la reprise de Ray Charles que de l'original. Et puis il y a Richard Fariña (feu Monsieur Mimi Baez et une influence pour Bob Dylan) et son "Bold marauder" où la guitare acoustique de Kent Henry répond au dulcimer de John Kay pour un résultat plein de délicatesse; comme stratégie de rupture avec Steppenwolf on ne pouvait imaginer mieux, et c'est vraiment réussi. Enfin, rayon blues, on rencontre Robert Johnson avec "Walkin' blues" dans une version dépouillée: voix, harmonica et guitare bottleneck pour John, basse pour George Biondo. Grande version, grand moment.
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    Si ce disque est séduisant, au-delà de sa qualité intrinsèque, c'est parce que John Kay nous a emmenés, avec bonheur, là où on ne l'attendait pas, à la façon d'un Neil Young. Rien que pour cela, l'album mérite le respect. Et il aurait mérité davantage de succès commercial!

     

    SHILOH: SHILOH (1970)

    Shiloh fut un groupe éphémère qui donna naissance à ce seul album sur Amos Records. Son intérêt est qu'il permet de découvrir en partie la genèse d'Eagles. Amos Records publia d'ailleurs également un an plus tôt "Longbranch Pennywhistle" du groupe/duo du même nom, composé de Glenn Frey et John David Souther, autre précurseur d'Eagles.

    Shiloh fut la première occasion d'entendre la voix du batteur Don Henley. À ses côtés figuraient le claviériste Jim Ed Norman qui collabora ensuite régulièrement avec Eagles, le pedal-steel guitariste Al Perkins (que l'on retrouva plus tard au sein du Manassas de Stephen Stills) et les frères Richard et Mike Bowden.

    Rien de révolutionnaire dans ce groupe texan, mais un ensemble bien en place de musiciens compétents. Des morceaux à l'influence cajun (signés Jim Norman), des titres plus country pour Richard Bowden, un traditionnel folk ressorti du placard ("Railroad song", arrangé par Al Perkins) et la voix et les compositions de Don Henley. "I'm gone", "Same old story" ou "God is where you find him" pourraient trouver leur place dans le répertoire d'Eagles sans déparer l'ensemble. Bien sûr, la richesse des harmonies et la qualité des compositions qu'on trouvera dans le premier album de ces derniers fait un peu défaut. Mais en plus de Glenn Frey, The Eagles avaient quand même inscrit à leur répertoire Jackson Browne, Gene Clark ou le méconnu Jack Tempchin, excusez-les du peu!
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    Un début plus qu'honorable, un album qui se laisse encore écouter sans effort et avec sympathie 35 ans après.

    À suivre…

  • Un disque, un jour: Will The Circle Be Unbroken (1972)

    The Nitty Gritty Dirt Band presents "Will The circle Be Unbroken" (1972)

     


    Lundi 26 novembre 1973, La Discothèque, rue des Ponts à Nancy. Un endroit que j'ai beaucoup fréquenté entre novembre 1970 et décembre 1974. Aujourd'hui, un pressing à dû remplacer ce haut lieu de ma culture musicale.


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    "Will the circle be unbroken", l'album, est un disque (triple album vinyle) qui a changé le cours de l'histoire de la musique. De ma petite histoire à moi, parce qu'il m'a emmené vers des horizons que je ne soupçonnais pas jusque là, mais aussi de l'histoire de la musique (et plus précisément de la country music) dans la mesure où il a fait se rencontrer deux univers qui s'ignoraient, se tournaient le dos,  alors qu'au fond ils ne faisaient qu'un.

    "Will the circle be unbroken", la chanson, est un chant traditionnel, tendance gospel, que des générations entières (communautés blanches et noires) ont chanté, notamment pendant les cérémonies d'obsèques. Le sous-titre du disque "Music forms a new circle" résume bien l'objectif du projet, car il s'agit d'un projet avec une vraie ambition. Refermer le cercle brisé, assurer le passage de témoin entre une génération qui s'en allait et les suivantes.

    Situons nous au debut des années 70. La country music s'était enfermée dans une espèce de ghetto, avec ses différentes tendances, dont le bluegrass. Elle avait une image (pas infondée) "plouc", traditionnaliste (au sens péjoratif du terme), voire réactionnaire. Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens-là, on n'aimait pas trop les jeunes, les noirs ou les chevelus. Le mouvement "outlaws" (Waylon Jennings, Kris Kristofferson, Willie Nelson, Steve Young et quelques autres) commençait seulement à voir le jour, en réaction à l'establishment de Nashville. Bien sûr, il y avait eu Hank Williams, il y avait Johnny Cash (qui, par June interposée, faisait le lien avec la Carter Family). Bien sûr, il y avait ce qu'on appelait le country-rock, parfois de manière abusive (Crosby, Stills & Nash étaient plutôt un trio de folk-rock): les Byrds avec Gram Parsons ("Sweetheart of the Rodeo"),  les Flying Burrito Brothers (toujours Gram Parsons), Bob Dylan ("Nashville Skyline"), Poco avec Rusty Young et sa pedal steel guitar magique et Eagles (dont le seul élément véritablement country était Bernie Leadon) n'existait que comme backing-group de Linda Ronstadt. Mais dans l'ensemble, les barrières étaient là. D'un côté, les anciens avec les idées aussi courtes que les cheveux, et de l'autre les jeunes, chevelus et drogués. Aux uns les violons aseptisés, aux autres les guitares électriques dont le bruit n'était destiné qu'à masquer l'incompétence de ceux qui les maniaient. C'était du moins ainsi que l'on se voyait, chacun de son côté.

    Heureusement, certains pensaient autrement. Surtout du côté des plus jeunes, car beaucoup venaient de familles où la tradition musicale était omniprésente et appréciaient ainsi le répertoire des anciens et sa richesse.

    Le Nitty Gritty Dirt Band était un groupe formé au milieu des sixties, une bande de copains qui avait démarré dans le style jug band (avec des intruments comme le washboard). Sa composition avait évolué avec notamment Jackson Browne puis Chris Darrow avant de se séparer puis de se reformer en 1970 avec un nouveau line-up: Jeff Hanna, Jimmie Fadden, Les Thompson (tous trois membres fondateurs aux côtés du précité Jackson Browne), John McEuen, Jim Ibbotson. Un disque était né: "Uncle Charlie & his dog Teddy" qui marquait un tournant: le répertoire allait du rock ("Rave on" de Buddy Holly) au bluegrass, et l'instrumentation allait de pair (mandoline, violon ou banjo voisinaient sans choquer avec batterie et guitare électrique). Ce disque, grâce au succès de la reprise de "Mr. Bojangles" de Jerry Jeff Walker, allait vraiment lancer la carrière du groupe. Un autre album, "All the good times" était en cours de réalisation.

    C'était sans doute le moment de lancer le projet qui avait germé quelque temps plus tôt dans les esprits fertiles des membres du NGDB (et surtout de leur producteur William McEuen): réunir en studio les anciens et les nouveaux, jeter un pont entre les générations, faire se parler entre eux des artistes qui aimaient la même musique – la country music – mais qui, en plus d'une forme de surdité, avaient des œillères. Faire en sorte que la musique soit un cercle.

    Des contacts furent pris, des invitations lancées, des refus essuyés. Convaincre Mother Maybelle Carter (membre de la Carter Family originelle et belle-mère de Johnny Cash) ne fut pas difficile (d'autant que la chanson "Will The Circle Be Unbroken" avait été copyrightée par A.P. Carter). En revanche, pour d'autres ce fut impossible. On dit notamment que le "parrain" du bluegrass, Bill Monroe, a eu une réaction plutôt horrifiée. Roy Acuff, surnommé pendant plus de 60 ans "the king of country music" finit par se laisser convaincre et ce fut sans doute l'élément déterminant. D'abord parce que, comme artiste (violoniste et chanteur il avait été la seule superstar du genre après Jimmie Rodgers et avant Hank Williams), à près de 70 ans, il était respecté par tous. Et puis aussi parce que c'était un homme d'affaires redoutable et que, comme A.P. Carter, il avait compris que l'édition musicale pouvait être une mine d'or. Avec Fred Rose, il avait donc fondé la compagnie Acuff-Rose qui détenait les droits d'une grande partie du répertoire de beaucoup d'artistes: Hank Williams, Roy Orbison, The Everly Brothers, etc. La persuasion de Wesley Rose, dirigeant de cette compagnie l'emporta, ce qui convainquit sans doute d'autres de le suivre: le mandoliniste-chanteur Jimmy Martin, les guitaristes-chanteurs Merle Travis et Doc Watson, le banjoman Earl Scruggs, le bassiste Roy "Junior" Huskey (décédé en 1971 peu après la fin de l'enregistrement), les dobroïstes Norman Blake ou Pete "Oswald" Kirby et celui qui allait être la révélation du disque, le violoniste Vassar Clements.

    Ce furent les premières rencontres: les "jeunes" étaient inquiets, voire angoissés, les "anciens" étaient réservés et méfiants. Mais, très vite, la glace se rompit et, au-delà des différences la passion commune l'emporta.

    Pour Roy Acuff, un peu gêné: "On est supposé connaître un homme à l'aspect de son visage" dit-il, s'efforçant d'être poli, "mais que penser quand le visage est tout couvert de quelque chose… En fait, je vais vous dire: ce sont de charmants jeunes gens, pour être honnête avec vous. Je ne peux pas vous dire s'ils étaient jeunes ou vieux, mais ils étaient très intéressants et savaient certainement ce qu'ils faisaient".

    Pour Jimmy Martin, leader d'un groupe bluegrass, ce fut même l'enthousiasme: "Si l'on pouvait engager des gens comme eux pour partir sur la route, aucun mot ne pourrait dire ce qu'on serait capable de faire". Il ajouta: "Mais je n'en trouve aucun comme eux. Prenez les joueurs de banjo, par exemple. On dirait que les miens sont toujours endormis. Je vous parie que le mien dort chez lui à l'heure qu'il est"

    Le reste appartient à l'histoire. Le résultat: 6 faces sans un temps mort, sans un instant de remplissage. Dès la première note de "Grand Ole Opry Song", on comprend que la fusion est totale, que les anciens et les nouveaux non seulement unifient un genre musical mais lui donnent une nouvelle naissance, une nouvelle légitimité. On sait que l'on vit un évènement. On entend la country music et le bluegrass dans ce qu'ils peuvent donner de mieux. Jimmy Martin a donné le ton avec déjà le violon magique de Vassar Clements en évidence. Mother Maybelle Carter prend le relais avec "Keep On The Sunny Side" (qu'on retrouvera beaucoup plus tard dans "O Brother"). Puis c'est Earl Scruggs qui arrive avec son banjo et son jeune fils Randy à la guitare dans "Nashville Blues". Et Roy Acuff pour "The Precious Jewel", Merle Travis" pour "Dark As A Dungeon", Doc Watson dans "Tennessee Stud". Je pourrais citer tous les titres de l'album, chacun constituant un moment unique.

    À noter 3 reprises de Hank Williams: "I Saw The Light", "Honky Tonkin'" et "Honky Tonk Blues". Une face (à l'origine) constituée de 8 instrumentaux essentiellement bluegrass dans lesquels le talent de Vassar Clements éclate, au niveau de celui du célébrissime (dans le milieu) banjoïste Earl Scruggs (qui avait fait ses armes avec les Bluegrass Boys de Bill Monroe). Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter l'interprétation d'un titre pourtant déjà enregistré par des dizaines d'artistes, "Orange Blossom Special", auquel il donne une nouvelle jeunesse.

    Et puis il y a "Sailin' On To Hawaii", un instrumental au dobro (rare à l'époque) d'une grande beauté , signé Pete "Oswald" Kirby.

    Il y a aussi un moment d'émotion pure: "Doc Watson & Merle Travis First Meeting", dialogue entre les deux guitaristes qui se rencontraient pour la première fois. Étonnant quand on sait que le Doc a prénommé son fils Merle en hommage à Merle Travis (le plus grand du style finger-picking - le Travis-picking - avec/avant Chet Atkins et Doc Watson qu'il a largement influencés), espérant qu'il hériterait un peu de son talent (Merle Watson fut d'ailleurs un guitariste de qualité, qui enregistra seul ou avec son père, avant de trouver la mort bêtement dans un accident de tracteur, en labourant son champ).

    Et je ne peux pas ne pas citer "Wildwood Flower" (que l'on retrouve chanté par Reese Witherspoon / June Carter dans "Walk The Line") dont la mélodie tourne régulièrement dans ma tête depuis plus de 30 ans.

    L'apothéose survient avec "Will The Circle Be Unbroken" (la chanson) où Mother Maybelle chante le premier couplet, rejointe par tout le monde pour le refrain, avant de céder la voix à Jimmy Martin, puis à Roy Acuff. L'harmonie est totale et, d'un point de vue technique, une seule prise a suffit.

    L'album se conclut par un moment de calme et de beauté: une reprise instrumentale à la seule guitare acoustique de "Both sides Now" de Joni Mitchell. Et pour mieux symboliser le passage de la flamme entre les générations, c'est Randy Scruggs, le fils d'Earl, qui en est l'interprète.

    Ce disque a changé l'histoire parce que, au-delà de sa qualité intrinsèque, il a été le premier disque de country music écouté massivement aux U.S.A. par des gens de moins de 30 ans. Il a ouvert les portes entre les générations, ce que les autres tentatives n'avaient pas réussi à faire.

    À titre personnel, je ne connaissais pas grand chose de la country music et encore moins du bluegrass à l'époque. Les noms que j'ai cités plus haut et peu d'autres: New Riders of the Purple Sage (groupe lié au départ à Grateful Dead) ou Commander Cody & his Lost Planet Airmen (qui mêlait joyeusement rock 'n' roll, country pour chauffeurs routiers et western swing) et c'était tout. Je ne savais pas à l'époque que Clarence White, Chris Hillman ou Gene Parsons des Byrds, Jerry Garcia de Grateful Dead, Peter Rowan de Seatrain étaient à l'origine des musiciens de bluegrass. Je ne savais pas que celui qui se cachait derrière l'appellation A.P. Carter (crédité comme auteur de nombreux titres) était un des acteurs principaux du développement de la country music. Mais j'ignorais tant de choses…

    Ce disque a rééllement marqué pour moi le début d'une passion qui n'est pas près de s'éteindre…

     

  • Alain Souchon, c'était bien...

    Alain Souchon, c'était vraiment bien. Alian Souchon, c'était le vendredi 6 avril à Epernay, dans une nouvelle salle, le Millesium. Bien sûr, en arrivant, on a eu un peu peur. Après tout, le Millesium, ce n'est pas une salle de spectacle, ce n'est jamais qu' une halle de parc des expositions. Et puis toutes ces chaises bleues en plastique (les pieds étaient en acier, tout de même) alignées avec leur numéro en papier ne laissaient pas augurer d'une confortable soirée. Nous prîmes places, guidés par de charmantes ouvreuses. Au troisième rang, presqu'au milieu, ce devrait être supportable! Petit à petit, la salle se remplissait. Les guitares attendaient, elles aussi, sagement, sur leurs supports. Et il y avait des appareils branchés, avec des lumières vertes ou rouges, qui clignotaient. Tout était prêt. Et les musiciens sont arrivés: de gauche à droite il y avait Michel Cœuriot (Michel Jonasz, Maxime Le Forestier, William Sheller), cerné de ses claviers; Thomas Cœuriot (le fis de son père) aux guitares acoustiques et électriques, à la mandoline (et j'ai même cru reconnaître une mandola) et aux harmonies; Laurent Faucheux (Maxime Le Forestier, Sol en Si) à la batterie; Guy Delacroix (Jean-Michel Caradec, Jacques Higelin, Michel Jonasz, Maxime Le Forestier, Alan Stivell et – dixit Maître Chronique – Magma) à la basse électrique, à la contrebasse et aux harmonies; Michel-Yves Kochmann (Renaud, Sol en Si) aux guitares acoustiques et électriques (il avait même une superbe resonator steel-guitar) et aux harmonies. Un roulement de batterie, quelques stridences des guitares, et c'était parti. Et là, divine surprise, l'acoustique était parfaite, la balance bien réglée, chaque instrument bien en place et distinctement audible. Et j'ai pensé à mon frère: le batteur est bien un batteur de rock et je ne sais pas s'il a pris des leçons de caisse claire, mais il était juste où il fallait, les écouteurs sur les oreilles, comme il fallait, sans jamais être envahissant.  Et le chanteur est arrivé, dégingandé, frisé-hirsute, de noir et blanc vêtu. Et il était content, et les musiciens étaient contents (le Champagne?), c'est lui qui le disait, en tout cas. Et il a chanté ses chansons, pas toutes, il y en a trop maintenant. Certaines ont été attendues en vain. Mais on a eu de grands moments musicaux. "C'est déjà ça", avec une performance de Kochmann à l'Oud. Et des "petites" chansons qu'il chantait seul dans un coin près de Cœuriot père et de son piano. Et la plus applaudie (du moins avant le moment des rappels), "Et si en plus y'a personne" une nouvelle pas encore très connue et dont je découvrais les paroles: "Arour hachem, Inch Allah, Are Krishna, Alléluia / Abderhamane, Martin, David / Et si le ciel était vide / Toutes ces balles traçantes / Toutes ces armes de poing / Toutes ces femmes ignorantes / Ces enfants orphelins / Si ces vies qui chavirent / Ces yeux mouillés / Ce n'était que le plaisir / De zigouiller / Et l'angélus, ding, qui résonne / Et si en plus, ding, y'a personne…". Et Bob Dylan chantait... "With God on our side" il y a plus de 40 ans. Rien n'a changé, ou plutôt si, en pire!!!

    Le public était sage. Il tapait des mains un peu à contre temps, il saluait parfois à retardement les titres qu'il reconnaissait. Il y a bien eu 2 adolescentes de 40 ans qui ont commencé à se trémousser entre la scène et le premier rang avant de se rasseoir, déçues du peu d'émulation qu'elles sucitaient.

     

    Et il a raconté ses histoires. Celle du type de la mairie de Paris (époque non précisée) qui prèlevait chaque jour 800€ des finances publiques pour boire le thé. Ou son projet d'écrire sa biographie, bien larmoyante pour faire un maximum d'argent. Elle démarrerait comme "Sans famille", se poursuivrait comme chez Zola, pour finir avec un petit nuage qui ressemblerait à Laurent Voulzy. Alain, il a 10 ans depuis longtemps. Et toujours son âme d'enfant. Alors, à un moment, pour mettre un peu le bazar, il a dit que d'habitude, à cet instant du spectacle, les gens du fond venaient se mettre debout et bouger devant la scène. Et puis, disait-il, ça gênait les gens des premiers rangs, qui râlaient, qui se levaient aussi, qui se bagarraient même parfois, et eux, là-haut, sur la scène, ça les amusait! Le mouvement de foule se fit donc, timide d'abord, plus franc ensuite. Et je ne voyais plus si bien. Et la jeune fille devant moi pesait au moins 90kg et menaçait de s'effondrer sur mes genoux. Quant à son déodorant… mais passons… Alors, je me suis levé: après tout, je mesure 1m85 et il faut bien que cela me serve à quelque chose de temps en temps. Et tant pis pour ceux du quatrième rang. Le spectacle se termina de manière joyeuse, les sourires étaient partout, un vrai petit moment de bonheur. Tout le monde était debout, tapait dans les mains, et les six compères, sur leur estrade et malgré la fatigue, avaient du mal à nous quitter, je l'aurais juré. D'ailleurs, ils ont eu du mal à nous quitter, personne dans la salle n'était rassasié... Oui, vraiment, c'était bien, Alain Souchon.