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Musique - Page 17

  • Femmes, je Vous aime (5)... Aussie, aussi...

    Audrey Auld (Bill & Audrey, Audrey, Audrey Auld, Audrey Auld Mezera)

    C'est entendu, la country music est une musique typiquement américaine, je veux dire par là originaire des United States of America, ce pays des grands espaces, grand défenseur de la liberté (Ce sont eux qui le disent, comme les Français se disent dépositaires des droits de l'homme… Bons sujets à développer, non?).

    Et pourtant, c'est un genre qui va chercher ses influences un peu partout dans le monde, l'Europe, principal pourvoyeur de l'immigration aux 18ème et 19ème siècles ayant exporté des traditions musicales en provenance essentiellement des îles britanniques, mais aussi d'Espagne, de "Germanie" ou de France qui ont donné naissance aux différentes tendances de la musique campagnarde américaine.

    Mais la country music s'est vite enfermée dans un système et a perdu une grande partie de son âme, corrompue qu'elle était par le tout puissant establishment de Nashville. Sont alors arrivés les "Outlaws", la seconde génération du bluegrass et un certain nombre de jeunes (ou moins jeunes) artistes qui ont redonné un nouveau souffle au genre (à cette égard, reportez-vous à la remarquable chronique écrite sur le monument "Will The Circle Be Unbroken").

    Et puis, les Etats-Unis ont dû partager. Le Canada, bien sûr a fourni de grands auteurs-compositeurs. Gordon Lightfoot, par exemple, fait partie de ceux dont le répertoire a été le plus pillé par les Étatsuniens. Plus récemment, on a vu émerger quelqu'un comme Fred Eaglesmith qui est, pour moi, de la trempe de ses meilleurs voisins du sud, en conservant une rusticité et une authenticité réjouissantes tout au long d'une carrière démarrée au début des années 80.

    La lointaine Australie s'est également mise sur les rangs. On a connu, en provenance de cette insulaire contrée, dans le sillage des Easybeats et d'AC/DC pas mal de groupes de (hard)rock. Et dans un genre plus campagnard, des gens comme Keith Urban ou Kasey Chambers cartonnent chez l'Oncle Sam.

    Et vint Audrey Auld. Selon les albums elle s'appellera Audrey (et en duo Bill & Audrey), Audrey Auld ou Audrey Auld Mezera. Mais c'est bien de la même personne qu'il s'agit.

    Originaire de Tasmanie rurale, Audrey a suivi le parcours classique (imposé par son père, musicien de jazz) en étudiant le violon et le piano. Elle vint à la country music au travers de groupes post-punk comme Birthday Party, Bauhaus et Psychedelic Furs. Puis un professeur d'art lui fit découvrir Dwight Yoakam, Patsy Cline, Emmylou Harris et Loretta Lynn, déclanchant chez Audrey une véritable obsession pour le genre.

    À l'âge adulte, elle s'établit à Sydney où elle forma un groupe de country music "a cappella" avec 2 autres filles, puis se prit d'intérêt pour le western swing et créa "The Harmony Girls", groupe de swing à la saveur jazzy. Ce groupe devint Audrey & the Rhythm Wranglers et, peu après, Auld rencontra Bill Chambers (père de Kasey Chambers) avec qui elle commença à composer pour former, en 1997, le groupe Luke & the Drifters (Hank Williams enregistra une partie de son répertoire sous le nom de Luke The Drifter).

     

    medium_Bill_Audrey.jpgLOOKING BACK TO SEE (Bill & Audrey – 1999) Premier (et seul) album du duo, ce disque alterne reprises et compositions originales. Les influences sont clairement affichées. On trouve notamment 2 titres figurant sur l'album "GP" de Gram Parsons ("Kiss The Children" de Rick Grech et "We'll Sweep Out The Ashes" de Joyce Allsup). Ce choix démontre à tous le moins que ces deux-là n'ont pas peur des comparaisons, inévitables. Il y a aussi les classiques "You Are My Sunshine" (cf. "O Brother") au parfum très "Carter Family" ou "It Was The Whiskey Talking (Not Me)". Et les compositions du duo ne déparent pas l'ensemble, d'autant que le groupe réuni pour l'occasion (avec notamment Bill Chambers ou le pedal-steel guitariste Michel Rose) est tout à fait à la hauteur du défi.

    medium_Audrey_The_Fallen.2.jpgTHE FALLEN (Audrey – 2000) Cette fois, Audrey est seule et produit l'album. Mais Bill est toujours là, comme la plupart des musiciens de "Looking Back To See". Audrey a composé 10 des 12 titres et démontre un réel talent, se fondant dans le genre (c'est toujours de la country music) en y ajoutant sa propre sensibilité. Imaginez la plus triste des voix chantant encore une chanson mélancolique (en France on disait "chanson réaliste" entre les deux guerres) sur le thème de la pauvre fille abandonnée par son homme. La différence est que l'artiste ne blâme pas réellement le vilain monsieur: "I won't stop you when you go / 'Cause I'd leave me too" ("I'd Leave Me Too"). Le ton est donné et ce titre lance l'album de façon réjouissante, balançant entre country et western swing, avec une authenticité trop souvent oubliée à Nashville. Des  titres comme "Too Far to Fall" et "Still Holding On" mettent en valeur la steel guitare de Michel Rose. La voix d'Audrey craque et se brise dans la tradition classique de chanteuses comme Kitty Wells ou Loretta Lynn. Il y a un grand duo avec Dale Watson sur "Jackson" et une reprise de "Alcohol and Pills" de Fred Eaglesmith. "The Fallen" est véritablement un excellent début.

     

    medium_Audrey_Losing_Faith.jpgLOSING FAITH (Audrey Auld – 2003) Pour moi, tout est parti de là car, en fait, j'ai découvert Audrey Auld par hasard, par erreur devrais-je écrire. Je naviguais en effet sur iTunes cherchant un éventuel album de Kieran Kane et j'ai trouvé "The Fallen" que j'ai téléchargé sans vérifier. C'est alors que je me suis aperçu que c'était en fait un album d'Audrey Auld qui se terminait par un duo avec Kieran Kane ("Harmony"). Bienheureux hasard, car dès la première écoute, je fus séduit. Cet album confirme la capacité d'Audrey à écrire des textes de qualité, beaucoup plus profonds et incisifs que la moyenne de ce qu'on rencontre habituellement dans le genre, mariant tradition country et sensibilité moderne, avec toujours un humour et un sens de l'auto-dérision que l'on rencontre notamment dans le savoureux "The Next Big Nothing". Et l'habillage musical n'est jamais dépourvu d'énergie, nous rappelant en permanence que la musique est faite avant tout pour divertir. À noter un autre duo, avec le Canadien Fred Eaglesmith sur "B-Grade Affair" et une apparition de Mary Gauthier sur "Ain't No Joy". Comme pour les précédents albums, pedal steel, dobro ou mandoline tissent une toile de fond des plus agréables.

    medium_Bill_Audrey_Garage.3.jpgRECKLESS RECORDS GARAGE SALE 1997-2003 (Various artists – 2003) Ce disque est une parenthèse. Reckless Records est la compagnie discographique australienne de Bill et Audrey dont Bill Chambers est le boss. Ce dernier a eu l'excellente idée de rassembler 19 titres en une compilation: morceaux en solo ou en duo de Bill & Audrey, titres live, et duos d'Audrey avec Fred Eaglesmith ("Wilder Than Her"), Rick Carey ou Camille Te Nahu (Néo-Zélandaise émigrée en Australie et moitié du duo Camille & Stuie qu'elle forme avec son mari, le guitariste Stuart French). On trouve aussi une version de "Oh, Susannah" par un obscur groupe australien, The Yearlings, et un de Mary Gauthier. Ce disque est indispensable pour les amateurs des deux Aussies, pour les amoureux de country music, aussi. Les reprises de "I'm So Lonesome I Could Cry" (Hank Williams) ou "The Angels Rejoiced Last Night" (Louvin Brothers) sont à cet égard édifiantes.

     medium_Audrey_Texas.jpg

    TEXAS (Audrey Auld Mezera – 2005) Cet opus marque pour Audrey un double changement: elle s'est mariée à un américain (Mez Mezera, d'où sa nouvelle identité) et a émigré au U.S.A. Cet album a été enregistré au Texas avec des musiciens locaux (Bill Chambers est néanmoins venu dans la poche de la Kangouroute). Ce qui n'a pas changé, c'est la capacité d'Audrey à nous pondre une country music pleine d'une profonde sensiblité. Les sources d'inspiration ont évolué et plusieurs titres sont dédiés à des héros du genre (Woody Guthrie avec "Woody", Billy Joe Shaver avec "Billy Joe", Harlan Howard avec "Song For Harlan" et le Dead Ringer Band - le groupe de la famille Chambers avec Papa, Maman et les enfant Kasey et Nash -  avec "Shine") ou des personnes aimées (Papa Auld avec "My Father" et Mez Mezera pour "Missing Mez"). Mary Gauthier est encore une fois à l'honneur avec la reprise de "Karla Faye", titre consacré à la condamnée à mort Karla Faye Tucker, qui passa 14 ans dans le couloir de la mort avant d'être exécutée. La mort est encore présente avec "Hole in My Life", émouvant hommage à un amant défunt. Aux côtés d'Audrey (et Bill) plusieurs Texans de talent sont présents: le producteur et multi instrumentaliste Gabe Rhodes, la chanteuse Kimmie Rhodes (maman de Gabe), le violoniste Darcie Deaville et Carrie Rodriguez (violon et voix sur "One Eye")

    medium_Audrey_In_The_House.jpgIN THE HOUSE – Live in '05 (Audrey Auld Mezera & Nina Gerber – 2006) Quand une "singer-songwriter" relativement peu connue et une guitariste de talent se rencontrent, attend-on d'elles qu'elles enregistrent un double album en public dès leur second concert? Non! (Cela dit, après avoir vu et entendu ce que Mark Erelli peut faire avec Hayes Carll au bout de 3 jours, je suis moins affirmatif dans ma négation! Pas d'accord, Hervé?). Pourtant elles l'ont fait et auraient eu grand tort de se gêner car le disque est vivifiant et, malgré les nombreux passages parlés entre les morceaux (même si on eut aimé un peu plus de chansons et un peu moins de paroles), n'est jamais lassant. Audrey, si vous avez lu jusque-là, point n'est besoin pour moi de vous la présenter. Nina est, elle, une des meilleures guitarwomen du genre et s'est illustrée auprès de la regrettée Kate Wolf, de Nanci Griffith ou de Greg Brown. Ce concert, enregistré le soir du 3 décembre 2005 dans un petit théâtre-studio de Sebastopol (pas en Crimée, en Californie) fait partie de ceux dont on a envie de dire: "j'y étais". Et pour les absents, le disque est une bien jolie compensation. Le talent de Nina éclate au détour de chaque accord; quant à Audrey, dans des arrangements dépouillés (2 guitares et 1 voix), elle ne perd rien de ce qui a séduit l'auditeur en studio (ajoutant un vif sens de l'humour dans ses commentaires). Mieux même, cette configuration démontre si besoin était la consistance de ses compositions et démontre qu'Audrey est une véritable chanteuse folk, au sens noble du terme. Au chapitre des reprises, notons les habituels Fred Eaglesmith ("Alcohol & Pills") et Mary Gauthier ("Karla Faye"), mais aussi Johnny Cash et son "I Still Miss Someone" (avec "brother" Scott Gerber à la guitare), Patty Griffin pour "Mary", Diane Scanlon et "I Know You By Heart" et même une délicate (merci Nina) version instrumentale de "Imagine" de qui vous savez. Et quand on arrive à la fin de cette œuvre, on a du mal à croire que ces deux-là n'en sont qu'à leur deuxième show commun… Mais, je me repète, grâce à Mark, on sait que c'est possible sans tripatouillages ultérieurs en studio.

    medium_Lost_Men_Angry_Girls.jpgLOST MEN AND ANGRY GIRLS (Audrey Auld Mezera – 2006) Cette passionnante (au moins pour celui qui écrit) saga se termine avec "Lost Men And Angry Girls" paru en Australie à l'automne dernier (et en février 2007 aux States). Le premier titre, "Bolinas", évoque sa nouvelle résidence en Californie du Nord. Mais Audrey se considère néanmoins comme une étrangère et, à ce titre, n'hésite pas à faire usage de son œil extérieur pour stigmatiser la violence générée par sa patrie d'adoption au nom de la paix: "I know you're all fighting for peace", chante-t-elle, mais "There'd be peace if you just stopped fighting" ("Je sais que vous luttez pour la paix / Mais il y aurait la paix si vous arrêtiez simplement de vous battre"). Son amour de la country américaine est toujours évident, notamment dans "Looking For Luckenbach" clairement inspiré par le hit de Waylon Jennings "Luckenbach, Texas (Back to the Basics of Love)", avec Bill Chambers dans le rôle de Waylon ou "Clinch Mountain Prayer" qui évoque la Carter Family. Les difficultés du sud rural des U.S.A. inspirent également l'artiste dans "Down In A Hole" (à propos de la crise d'une petite ville minière, le héros mourant souffrant plus de la noirceur de son âme que de celle de ses poumons). La nostalgie de l'Australie natale a donné naissance à "Half A World Away" qui voisine avec des titres plus introspectifs ou plus légers comme le presque comique "Self-Helped Help Me". Parmi les invités: Bill Chambers (qui produit l'album), Nina Gerber, Karl Broadie et Raechel Lee. Et un titre qui n'est pas de sa plume, "Morphine", dont le texte est de… Bonnie Parker (Eh oui! Celle de Bonnie & Clyde.) sur la musique d'un air de 1930 "M.O.T.H.E.R.".

    En résumé, Audrey Auld Mezera est sans doute l'une des artistes les plus intéressantes de ce début de millénaire. Elle ne nous a sans doute pas encore tout livré, loin de là, et je suis sûr que son talent n'a pas fini de nous éclabousser.

    Un regret cependant, les disques de Reckless Records ne sont disponibles chez nous qu'en importation. Mais vous pouvez tous les trouver facilement et pour pas cher chez amazon (.fr ou .com) ou en téchargement chez iTunes ou eMusic (le second est moins cher que le premier, en MP3 et non en MP4, avec cependant un inconvénient c'est qu'il n'est accessible qu'avec un abonnement). Alors vite, à vos claviers, écoutez et commandez. Comme on ne dit pas chez Darty, "c'est satisfait ou satisfait" (ou alors vous vous êtes trompé de blog).

    PS: au cours de cette note, ont été citées d'autres artistes féminines de talent qui mériteraient qu'on les évoque plus longuement. Nina Gerber, Carrie Rodriguez (dont l'album "Seven Angels On A Bicycle" – quel titre – a été chroniqué dans "Crossraods") qui sera prochainement à La Pomme d'Ève, les excellentes Mary Gauthier et Patty Griffin, Kimmie Rhodes…

    Et puis il y a Fred J. Eaglesmith, mais sur lui, c'est un livre qu'il faudrait écrire, et je n'y suis pas encore prêt, alors visitez son site si vous avez envie de le connaître.

  • Eve's Apple, February 18, 2007 (part 2)

    Hayes & Mark croquent la Pomme 

    Voici donc où j'en étais ce dimanche (un vrai dimanche d'été sur Paris) vers 19H00. En fait, à 19H00, il faisait frisquet près de St Etienne du Mont et du Panthéon (à l'ombre duquel nous degustames une rapide collation).

    À vrai dire, ma curiosité m'avait, la veille, poussé à voir (et entendre) comment Hayes Carll sonnait sans orchestre. Et j'avais trouvé sur la toile un concert fort sympathique enregisté au Texas le 30 novembre dernier.

    (13 titres (Hayes seul à la guitare sur 8 d'entre eux et avec une discrète steel guitar pour les autres) parmi lesquels "I Don't Wanna Grow Up" de Tom Waits, "Worry B Gone" de Guy Clark, "Bill Morrissey Falls In Love At First Time" de Bill Morrissey, et puis bien sûr quelques compositions de Hayes dont le joyeux "Good Friends" ou le lancinant "Arkansas Blues".

    Ce que j'avais entendu me démontrait que les univers de Mark et Hayes avaient finalement beaucoup de convergences. Et ce que je vis (entendis) en arrivant à la Pomme un peu avant 19H00 le confirma. Personne en haut de l'escalier, mais le son de guitares (au pluriel) qui répétaient. Et Hervé monta pour l'accueil de ses invités et nous dit avec un grand sourire que les deux nouveaux compères allaient lui faciliter la tâche. Pas de problème de préséance, ils allaient chanter ensemble. Comment? C'était la surprise pour tout le monde.

    Au bas de l'escalier, se trouvent les toilettes, ce qui a son importance. En effet, attendant à la porte, j'en vis sortir un grand gaillard blond et barbu qui me salua gentiment. Et moi de lui répondre "Bonsoir Mister Carll". Regard surpris. Tiens, quelqu'un qui me connaît en France. Et moi: "I love your albums" (notez l'originalité de la réplique). Lui: "Oh! What's your name?". J'ai dû lui avouer que j'étais Français, la rencontre avec ses compatriotes serait pour plus tard. Puis vint dans le sens inverse un gaillard brun, aux cheveux plus longs, qui me dit, en Français "Bonjour". À quoi je repondis: "Bonsoir Monsieur Erelli" (toujours des répliques à la Audiard). Mais Mark ne sembla pas surpris que je le reconnaisse, il s'était déjà produit à la Pomme d'Ève en 2005 (à l'époque, je ne le connaissais pas encore). Ces deux garçons paraissaient en tout cas très simples et très sympathiques.

    Ce fut l'attente, un peu longue. Sur la scène, 2 chaises côte à côte, 2 guitares, 2 micros. Puis la salle se remplit peu à peu. Si l'on excepte Hervé, quelques piliers du club et nous, les francophones devaient se compter sur les doigts d'une main. Tant pis pour les autres, ils ont manqué un grand moment.

    Enfin, un peu après 20H30, ce fut l'introduction des 2 artistes, Hayes à gauche, Mark à droite. Ce dernier prit la parole en premier, et attaqua vite "Undone" extrait de "Hope & Other Casualties". À ce stade, deux constats: Hayes était à côté, attentif et se contentant de mimer des accords, et la guitare de Mark avait un son un peu bizarre (qui, si j'en crois Hervé, surprit même le preneur de son) – mais cela s'arrangea très vite. Le deuxième morceau fut pour Hayes (je ne l'ai pas identifié, et pour cause car il s'agit d'une nouvelle composition encore sans titre).

    medium_hayes-mark-05_small.jpgEt là, on comprit très vite que l'on passerait une grande soirée. D'abord parce que Hayes Carll, sur scène, confirme tous les espoirs qu'ont laissé naître ses disques. Et puis parce que Mark (qui mériterait le prix Nobel de la camaraderie) jouait sur ce morceau, comme il le fit pour les autres dans la soirée, le rôle d'un sideman du plus haut niveau. Pour ceux qui le connaissent un peu, ce n'est qu'un demi-suprise car c'est ainsi qu'il joue très régulièrement lorsqu'il tourne dans son pays natal. La soirée allait se dérouler ainsi, "in the round", i.e. chacun son tour.

    "Evening's Curtain", "Hey Baby Where You Been" puis Mark empoigna sa mandoline pour "Imaginary Wars" et la conserva pour accompagner Hayes sur "Bill Morrissey Falls In Love At First Time" de Bill Morrissey. Il y eut ensuite "Birches" et "Little Rock" (avec Mark à l'harmonica), un nouveau titre "Volunteers" que Mark annonça comme son prochain "MP3 of the month" (et un grand morceau dont le texte va sans doute faire plaisir à GWB).medium_mark-04_small.jpg

    Arriva la pause prise par les deux complices (on peut le dire) sur un morceau de Hayes "Wish I Hadn't Stayed So Long" (à ne pas prendre au premier degré, bien sûr). Dans la salle, au bar, ce fut un vrai moment de convivialité dans cette ambiance si particulière de la Pomme (sans tabac, ce serait encore mieux). La pause est aussi le moment pour les artistes de vendre quelques CD; Hayes l'annonça en faisant remarquer que contrairement à Mark, il n'en avait apporté qu'un ("Little Rock") et qu'il ne fallait pas oublier de l'acheter...

    Retour des désormais duettistes pour 4 titres chacun, toujours "in the round", un "Arkansas Blues" très Dylanesque répondant au percutant "Troubadour Blues".

    Puis ce fut le premier rappel ("Un titre chacun car nous n'avons pas eu le temps d'en apprendre un en commun"), et un second "encore" sur le même principe. Et la soirée s'acheva, pour Mark, sur "The Only Way" (titre post 11 septembre qui arracha les applaudissements des Américains présents) et, pour Hayes, sur "Rivertown" composé avec Guy Clark.

    Que dire de plus: que ce fut une grande soirée? Le mot est trop faible. Il y avait quelque chose d'exceptionnel dans ce concert. Deux types qui ne se connaissaient pas un semaine avant et qui s'entendent si bien sur scène, cela ne doit pas se produire tous les jours. Le mérite en revient principalement à Mark dont la "musicienneté" (© Quiet Man 2007) éclatait sur chaque morceau, qu'il seconde Carll à la guitare, à la mandoline, à l'harmonica ou aux harmonies vocales. Et l'on sentait la réelle admiration teintée de rconnaissance de Hayes qui comprenait bien la dimension supplémentaire apportée par Mark à des compositions qui en elles-mêmes volent déjà très haut.

    medium_hayes-01_small.jpgMais Hayes est de son côté un des plus grands talents à émerger du Texas, et bien au-delà, ces dernières années. Pour moi, il est déjà au niveau de John, Townes, Guy, Steve, Tom, Greg et les autres. Il ajoute en plus une certaine dose d'humour (mais il parle moins bien Anglais que Iain Matthews donc je n'ai pas tout compris) notamment lorsqu'il évoque l'architecture de la salle et dit que, s'il joue mal, il a peur d'être enfermé dans le donjon!

    Musicalement, les deux hommes se rejoignent sur de nombreux points et notamment en ce qui concerne les reprises. Ils ont la même admiration pour Bill Morrissey (qui va mieux, merci) dont ils ont interprété 3 titres. Hayes en est un fan depuis ses "college days" en Arkansas et Mark se souvient d'avoir reçu par la poste une cassette de Robert Earl Keen (Junior, a-t-il précisé), autre Texan, portant un T-Shirt à l'effigie de Bill. Et Mark a chanté "I'll Be Here In The Morning" du Texan Townes Van Zandt, un des "maîtres" de Hayes. Ils ont aussi des registres vocaux complémentaires et différents, ce qui a fait passer la soirée encore plus vite.

    Vous savez quoi? Ce fut une grande soirée de musique… Et, en prime, pour une fois, vous aurez droit à la liste des titres interprétés en ce dimanche soir, rien que pour vous faire regretter de n'avoir point été présents…

    Mark: "Undone" / Hayes: Nouvelle chanson, sans titre: "I hope you understand" (?) / Mark: "Evening's Curtain" / Hayes: "Hey Baby Where You Been" / Mark: "Imaginary Wars" avec  mandoline / Hayes: "Bill Morrissey Falls In Love At First Sight" (Bill Morrissey) avec Mark à la mandoline / Mark: "Birches" (Bill Morrissey) / Hayes: "Little Rock" avec Mark à l'harmonica / Mark: "Bend In The River" / Hayes: "Willing To Love Again" / Mark: "Volunteers" / Hayes: "Wish I Hadn't Stayed So Long".

    Break

    Mark: "River Road" / Hayes: "It's A Shame" / Mark: "Troubadour Blues" / Hayes: "Arkansas Blues" / Mark: "I'll Be Here In The Morning" (Townes Van Zandt) / Hayes: "Good Friends" / Mark: "Passing Through" / Hayes: "The Long Way Home"

    First Encore - Mark: "A Case Of You" (Joni Mitchell) / Hayes: "Live Free Or Die" (Bill Morrissey) avec SuperMark à la mandoline

    Second Encore - Mark: "The Only Way" / Hayes: "Rivertown"

  • La Pomme d'Ève, dimanche 18 février 2007 (première partie)

    Mark Erelli & Hayes Carll

     

    medium_AfficheErelliHayes2007.jpg

    10 jours après le passage de Iain Mathews, mous revoici dans le temple de la musique acoustique anglophone. Encore une soirée alléchante en perspective avec 2 artistes prometteurs de la nouvelle génération de la folk américaine. Ian (Iain) Matthews, je suis familier de sa musique depuis 35 ans.

    En revanche, Mark Erelli et (Joshua) Hayes Carll, je ne les connais respectivement que depuis juillet et août 2006. Ian, je l'avais découvert tout bêtement chez un disquaire après avoir lu des articles sur lui dans la presse musicale de l'époque. Sa reprise de "Woodstock" (de Joni Mitchell, que Crosby, Stills, Nash & Young avaient également interprétée) avait en effet été un grand succès de Matthews' Southern Comfort en Angleterre.

    Pour ses jeunes confrères, ce fut différent car désormais je fais mes emplettes musicales après avoir feuilleté le grand catalogue d'internet. Et de lien en lien, j'ai découvert tour à tour Jeffrey Foucault, Chris Smither, Mark Erelli et quelques autres, tous artistes d'une grande et même famille. Quant à Hayes Carll, j'avais aperçu son nom comme co-signataire d'un titre de Jack Ingram et, lorsqu'un lien à partir de Guy Clark me renvoya vers lui, j'eus envie de le connaître.

    Mark Erelli, né dans le Maine, j'en ai déjà parlé ici à 2 reprises: pour présenter ses 5 premiers albums dans une note intitulée "Aimons-les vivants", puis pour "Innocent When You Dream".

    Mais Mark Erelli, en plus d'être un guitariste, chanteur, auteur-compositeur de talent, est aussi quelqu'un qui aime faire partager son amour de la musique. Pour preuve, son site internet sur lequel il publie en début de chaque mois un "MP3 of the month". Plus de 60 titres ont déjà ainsi été mis en ligne depuis 2001 (on peut toujours les télécharger gratuitement) et, en plus de ses propres compositions dans des versions alternatives ou inédites, il reprend les auteurs qu'il aime, célèbres ou non. Ont déjà ainsi eu l'honneur d'une interprétation Markante: Jackson Browne, Doc Pomus & Mort Shuman, Nick Lowe, Bob Dylan, Bill Morrissey, Bruce Springsteen, Dave Carter, Chuck Berry, Cindy Walker, Roy Orbison, Gillian Welch & David Rawlings, John Hiatt, Townes Van Zandt, Joni Mitchell, Joni Cash, Patty Griffin, Jimmie Rodgers, Robbie Robertson, Hank Thompson, Ron Sexsmith, Marvin Gaye, Chris Smither, Willie Nelson, John Lennon & Paul McCartney, Hank Williams, Tom Waits, Richard Thompson, Neil Young, Bruce Cockburn…

    medium_Carll_Flowers.2.jpg

    Hayes Carll, lui, est Texan. Le Lone Star State a produit quelques uns des plus grands songwriters contemporains: Townes Van Zandt, Guy Clark, Steve Earle, Robert Earl Keen Jr. et bien d'autres encore. Disons-le tout de go, Hayes Carll appartient à cette noble confrérie. Quand on sait qu'il revendique en plus des influences telles que celle de Bob Dylan ou de John Prine, on sait qu'on a affaire à un sérieux client.

    Les 2 premiers albums de Mr. Carll le démontrent dès la première écoute. "Flowers And Liquor" (2002) contient 12 titres, pour la plupart enregistés avec un groupe, dont la reprise de "Live free or die" de Bill Morrissey. Certaines compositions le placent déjà au niveau de ses glorieux ainés: "Arkansas Blues", un des titres les plus dépouillés, vaut ce que Steve Earle a fait de mieux.

    La barre avait été placée haut après ce premier album mais"Little Rock" (2006) fait mieux que relever le défi. Il nous propose onze tites composés ou co-composés par Hayes Carll. En l'occurrence, il a pour camarades de jeu Ray Willie Hubbard (pour "Chickens") et Guy Clark (pour "Rivertown") venus co-composer un morceau avec lui. L'homme est aussi à l'aise dans les ballades que les morceaux plus enlevés; du blues au western swing, toute l'imagerie du songwriter texan est présente, et de belle manière!

    Et Hayes avait refusé l'offre d'un label qui lui proposait un contrat pour plusieurs albums préférant garder son indépendance artistique. Stetson bas, Mr. Carll.

    medium_Carll_Little_Rock.jpg

     

     

    La question que je me posais en arrivant était de savoir qui allait être la vedette de la soirée, entre ces artistes qui, de surcroît ne se connaissaient pas quelques jours avant. Une lecture attentive de Crossroads #51 (qui vient de paraître) m'avait en effet appris qu'ils n'étaient unis pour une mini-tournée européenne que pour des raisons commerciales, leurs disques étant distribués par le même label (Rounder Europe, qu'il faut citer) sur notre continent en ayant chacun seulement vaguement entendu parler de l'autre. Comment des artistes à la culture musicale a priori si différente (quoi que...) allaient-ils pouvoir cohabiter sans problème d'ego?

    Voici donc où j'en étais ce dimanche (un vrai dimanche d'été sur Paris) vers 19H00. La suite dans peu de temps…

  • La Pomme d'Éve, jeudi 8 février 2007

    Danny, Iain et les autres

     

    Le 8 février est depuis longtemps pour moi une date à part: anniversaires, fêtes, cette date est marquée de plusieurs croix sur le calendrier.

    Mais le 8 février 2007 devait vraiment être exceptionnel et le fut à divers titres. Un rendez-vous important à Reims en début d'après-midi, du soleil, et puis l'autoroute A4 en direction de Paris pour une soirée qui s'annonçait magique à La Pomme d'Ève. Rendez vous compte: une affiche avec Danny Schmidt, Kreg Viesselman (à découvrir pour moi) et le légendaire Iain Matthews (qui se nomma successivement Ian McDonald et Ian Matthews avant de gaëliciser son prénom). Et la rumeur disait qu'Elliott Murphy allait passer dans la soirée et avait demandé qu'on lui prépare une guitare.

    Je rappelle qu'Elliott l'Américain et Iain le Britannique ont enregistré ensemble et en France un disque qui s'appelle "La Terre Commune" publié en 2000 (on peut également trouver chez http://www.glitterhouse.com un double CD du label Blue Rose "Official Bootleg – Elliott Murphy, Iain Matthews & Olivier Durand: Solingen, Steinhaus, The Cornish Pub, 1.6.2001" qui retrace leurs aventures scéniques). Bref, tout allait bien. L'accès à la capitale se fit sans encombre, la voiture trouva sa place dans un parking (cher, le parking à Paris!) et je n'eus plus qu'à tuer le temps pour 1 heure ou 2, le temps de retrouver JaPal, ce que je fis en me rendant dans un sous-sol de la Place de la Bastille où, il y a quelques années, on trouvait encore de la musique rare et bonne. Les nuages en profitèrent pour se soulager abondamment (j'étais à l'abri, je ne m'en rendis compte qu'en sortant, après l'averse). C'est alors que mon portable me joua "Blowin' In The Wind" pour m'annoncer l'arrivée de messages. Et ces messages étaient porteurs d'une mauvaise nouvelle dont je ne parlerai pas ici. Mais d'ores et déjà, la soirée était gâchée et se posait la question de maintenir ou non le programme prévu. Un certain nombre de coups de fil, les retrouvailles avec JaPal, et la décision fut finalement prise de ne rien changer au moins jusqu'au lendemain matin. Tranquillement, nous nous acheminâmes vers le Panthéon : boulevard de l'Hôpital, boulevard St Marcel, rue Mouffetard, la Contrescape, la Montagne Ste Geneviève et puis, non loin de la Place des Grands Hommes, la rue Laplace à l'entrée de laquelle se situe la Pomme d'Ève, temple parisien de la bonne musique acoustique. Le Maître de cérémonie était là, attendant ses invités (au prix du concert, on peut en effet parler d'invités et non de clients). Pour ceux qui ne le savent pas encore, l'association "acoustic in pAris" propose toute l'année un programme unique et étonnant. Pour en savoir plus: http://www.acousticinparis.com). Premier constat: l'accent était très anglophone et il y avait très peu d'ados dans le public. Une brave dame américaine nous expliqua qu'elle venait de Reims et qu'elle avait un temps fait un "extra job" pour le CNAC (Centre National des Arts du Cirque) à Châlons en Champagne. Deuxième constat: nous avions bien fait d'arriver tôt. En effet, compte tenu de l'exiguïté des lieux et de la longueur de mes jambes, il m'eut été difficile de m'installer en entier ¼ d'heure plus tard! Au milieu des spectateurs debout au bar, on pouvait déjà reconnaître Danny et sa casquette, il monta sur scène pour un dernier réglage et puis Hervé le rejoignit pour une présentation de celui qui avait déjà enchanté les lieux le 9 novembre 2005, en prélude à un autre grand méconnu, David Olney. "Pour ceux qui ne le connaissent pas encore", prévint Hervé, "vous allez prendre un claque, voire une grande claque!". Je connaissais Danny Schmidt. Pas depuis longtemps, Hervé me l'avait conseillé par mail. J'avais alors visité son site (http://www.dannyschmidt.com) où l'on peut télécharger gratuitement plusieurs titres de chacun de ses albums (et après, il est rare que l'on ait pas envie d'acheter le reste). Ce fut ensuite le téléchargement (payant mais à un prix raisonnable) de ses 3 albums studio: "Enjoying The Fall" (2001), "Make Right The Time" (2003) et "Parables & Primes" (2005). Un peu plus tard, de la même manière, je me procurai son premier album, datant de 1999, "Live At The Prism Coffeehouse" (qui n'est plus, contrairement aux autres, disponible en version CD) chez iTunes (moins bien et plus cher que eMusic, par exemple). Dans les 24 heures précédant le concert, j'avais réécouté les 4 albums pour me mettre dans l'ambiance. J'étais donc prêt. medium_DSC00263_small.jpgEh bien, ce ne fut pas une grande claque, ce fut une méga claque. Le personnage, d'abord, est très sympathique. Plein d'humour aussi et l'on s'en rend compte quand on visite son site internet. C'est un Texan, d'Austin, mais si on ne le sait pas, on ne le devine pas en l'écoutant (pour ma part, j'entends même chez lui des influences britanniques allant de Nick Drake à Richard Thompson en passant par David McWilliams – qui n'a pas fait que "Days Of Pearly Spencer"). C'est aussi un chanteur et guitariste de grand talent, et un auteur compositeur de haut niveau. Et pourtant, c'est avec une reprise de Bob Dylan ("Buckets Of Rain") qu'il a "emballé" l'assistance dès les premières notes. Vinrent ensuite quelques-unes de ses compositions. Ce fut magique mais trop court et, déjà, Danny céda la place à Kreg. Kreg Viesselman medium_DSC00251_small.jpgc'est un autre genre: "originaire du Minnesota comme un certain Robert Zimmermann, mais comme il n'y fait pas assez froid, il vit désormais en Norvège". Kreg, je ne le connaissais pas. Il a publié 3 albums (le dernier, "The Pull" est chroniqué dans le fameux "Crossroads" #50) que je n'ai jamais vus ni entendus. J'ai eu l'impression qu'il avait peur du public, murmurant quelques mots difficilement perceptibles de sa voix timide et rauque et partant presque en courant dès la fin de son set. Mais quelle mutation quand il chantait. Alternant morceaux bluesy et ballades tendres, Kreg vit ses chansons d'une façon assez fascinante. Une voix qui fait penser parfois à Joe Cocker ou à Tom Waits (il est plus proche de ce dernier pour l'ambiance), des mélodies que ne renierait pas Eric Andersen, un jeu de guitare plus agressif que celui de l'aérien Danny Schmidt. Bref, quelqu'un qu'on a envie de mieux connaître. L'entracte passa. Elliott Murphy était là, en bandana, en train de boire une mousse et de converser avec un de ses supporters (déjà aperçu "chez Paulette" le 4 mai 2006), coiffé lui d'un chapeau rond,. Bref passage d'Hervé sur scène pour présenter, ou plutôt annoncer, Iain Matthews (les présentations sont superflues entre vieux amis) et nous étions partis pour 2 heures d'enchantement. Iain a 60 ans, mais le temps ne semble pas avoir de prise sur lui, ni physiquement (malgré quelques cheveux gris), ni vocalement (il a d'ailleurs commencé par un morceau a cappella, ce peu d'artistes se risquent à faire). J'aimerais parler des moments forts, mais j'ai l'impression qu'il n'y en a pas eu d'autres. Armé de sa guitare, assis derrière le micro, Iain a chanté, parlé, raconté des histoires. Non seulement Iain chante bien mais, en plus, il parle bien Anglais. Vous pourrez me rétorquer que c'est la moindre des choses, mais son Anglais à lui, j'arrive à le comprendre! C'est ainsi qu'il interpréta 2 titres évoquant Hank Williams (tous deux extarits de "Journeys from Gospel Oak"), qu'il parla, après l'interprétation de "Get It Back" de ses "Seattle years" et du groupe Hi-Fi (que Rock & Folk, à l'époque, avait baptisé High Fire) au sein duquel il officiait aux côtés de David Surkamp (ex Pavlov's Dog). Parmi les grands moments, je retiendrai l'interprétation a cappella de "Galway to Graceland" de Richard Thompson. Une version de "Can't Buy Me Love" (!) des Beatles ou de "I Believe In You" de Neil Young. medium_DS080213_small.jpgVint alors le moment où Elliott monta sur scène. Ce ne fut pas simple, il fallut un peu déblayer pour installer une seconde chaise et aménager l'espace nécessaire à la cohabitation de 2 guitares en bois. Mr. Murphy n'était pas là pour vendre son nouvel album ("Coming Home Again", dans les bacs le 26 février), mais pour le plaisir de jouer avec un pote. Elliott, Américain de Paris, et Iain, Anglais des Pays-Bas (après un long séjour aux States), se sont donc rejoints pour 2 titres. Le premier fut un vrai moment de magie: "Blind Willie McTell" de Bob Dylan pour une interprétation qui nous éleva vers les étoiles (ce qui est une sacrée performance, dans un caveau voûté!). Parenthèse: je ne comprendrai jamais pourquoi Bobby n'a pas trouvé ce morceau assez bon pour figurer sur l'un de ses albums – ou peut-être était-il trop bien pour ses disques de l'époque?). J'ai eu l'impression que les duettistes eux-mêmes ont eu du mal à redescendre. Ce fut ensuite "Brown Eyed Girl", le premier single solo de Van Morrison après la période Them dans une interprétation très décontractée, après une présentation où Iain chambrait gentiment Elliott qui avait appris quelques paroles pour chanter en duo ce qui était à l'origine une interprétation solo. Ce fut certes loin d'être parfait mais ce fut un vrai moment de plaisir partagé. Et Iain reprit possession des lieux, continuant en toute simplicité à raconter ses petites histoires, à chanter ses jolies chansons. Une réelle complicité existait entre l'artiste et ses spectateurs. Le temps s'écoula trop vite. Il n'y eut que des grands moments. Je note des titres comme "Compass and Chart" ou "The Ballad of Gruene Hall" évoquant un des hauts lieux de la musique texane. Et dautres encore, dans le désordre: "Back Of The Bus ; "Contact", "To Be White", "Funk & Fire", "Just One Look", "1944" , "Benjamin Riley"… Et Iain quitta la scène. Et revint pour un rappel. Et repartit. Il revint pour un dernier "encore" et de nouveau un titre de Van l'Irlandais: "And It Stoned Me". Et ce fut le moment de se quitter. Hervé annonça les prochains concerts: un beau programme, avec tout d'abord Hayes Carll et Mark Erelli dès le dimanche 18. Deux horizons différents, mais la promesse d'une bonne soirée. (J'ai cru comprendre que la programmation d'ici la fin de l'année a déjà évolué depuis et dans un sens qui ne peut que me ravir!). Je crois que que je n'ai jamais vu autant de sourires, et des sourires d'une telle qualité, en quittant la salle. Difficile après une telle soirée de revenir à la réalité. Certains des spectateurs avaient assisté aux 2 concerts, mardi et jeudi (Iain a d'ailleurs adapté son set afin de ne pas trop se répéter) et je pense que si on leur avait proposé une troisième soirée le samedi, il seraient tous revenus! En tout cas, Hervé, si tu veux remettre le couvert, garde-moi une place ou deux (plus une pour mes jambes…). On murmure que Iain reviendrait en décembre, avec Andy Roberts, son vieil alter ego de Plainsong! Est-ce-possible? Après tout, décembre est le mois du Père Noël et je recommence à y croire…

     

  • Femmes, je Vous aime... (4) ... D'autres voix...

    NANCI 

     

    Aujourd'hui, c'est Nanci que j'ai envie d'évoquer. J'ai bien écrit Nanci et pas Nancy (de Leonard Cohen) ni la ville de Nancy (ou Fraisecity pour ma nièce à qui je fais un gros bisou).

    Il s'agit de Nanci Griffith, une des artistes de talent (née le 6 juillet 1953 à Sequin, Texas) que j'ai découvertes ces dernières années. Au début, c'était juste une voix que l'on entendait parfois derrière celle d'un de ces messieurs que j'écoute régulièrement: Tom Russell, Guy Clark, The Chieftains, Don McLean, Robert Earl Keen, par exemple.

    Et puis un jour, j'ai découvert que cette dame avait une œuvre propre et que, de surcroît, elle ne se contentait pas de chanter mais écrivait aussi la majeure partie de son répertoire, à côté de reprises bien choisies.

    Et tout récemment, j'ai appris qu'elle avait été l'épouse d'Eric Taylor, lui-même un des auteurs-compositeurs texans les plus intéressants. Au début (son premier disque date de 1978), Nanci était une chanteuse folk, assez traditionnelle, qui comme beaucoup d'autres avait été influencée par Joan Baez ou Joni Mitchell.  

    Le succès n'étant pas vraiment au rendez-vous, du moins de la part du grand public, elle fit quelques albums plus country qu'elle qualifia de "folkabilly", évoluant vers même des sons plus rock et pop. Sans plus de succès, si ce n'est l'estime de ses pairs.

    C'est en fait un album publié en 1993, "Other Voices, Other Rooms", un retour aux sources, qui lui fit gagner une reconnaisance plus grande. Elle récidiva 5 ans plus tard avec "Other Voices, Too (A Trip Back To Bountiful)". Ce sont ces deux disques, qui se placent un peu en marge de la discographie de Nanci, que je veux évoquer aujourd'hui. Ils ont été tous deux produits avec Jim Rooney (qui était également avec John Prine pour "In Spite Of Ourselves" évoqué il y a quelque temps). L'idée était, pour Nanci, de rendre hommage aux voix et aux chansons qui l'avaient marquée et formée (musicalement) depuis sa jeunesse dans le Texas. L'auteur avait donc pris le parti de s'effacer derrière l'interprète. medium_Other_voices_other_rooms.jpg

    "Other Voices, Other Rooms", c'est le titre de la première nouvelle de Truman Capote, publiée en 1948, époque où, tant en littérature qu'en chanson folk, une nouvelle génération faisait oublier la précédente.

    Dans cet album, Nanci rend hommage à des artistes connus: Townes Van Zandt ("Tecumseh Valley"), Bob Dylan ("Boots Of Spanish Leather"), John Prine ("Speed Of The Sound Of Loneliness"), Ralph McTell ("From Clare To Here"), Tom Paxton ("I Can't Help But Wonder Where I'm Bound"), Woody Guthrie ("Do Re Mi"), Gordon Lightfoot ("Ten Degrees And Getting Colder"), Nat King Cole ("Turn Around") ou Pete Seeger et les Weavers ("Wimoweh"). On rencontre aussi Janis Ian, Jerry Jeff Walker ou des auteurs moins connus comme Frank Christian, Kate Wolf (décédée trop jeune) ou Buddy Mondlock.

    Mais Nanci a voulu aussi associer ses amis à l'entreprise et la liste de ceux qui ont été invités à venir chanter ou jouer est impressionnante! Jugez-en plutôt (liste non exhaustive): Emmylou Harris, Frank Christian (guitariste exceptionnel), Arlo Guthrie, Bob Dylan, John Prine, Carolyn Hester, Guy Clark, Chet Atkins, John Hartford, Odetta, John Gorka…

    Le résultat est à la mesure de la qualité du répertoire et du talents des artistes, une vraie réussite. Il est intéressant aussi de lire la liste des auteurs-compositeurs que Miss Griffith n'a pu interpréter compte tenu de la durée limitée d'un CD.

    Mais que dire alors de la suite? (Que j'ai personnellement découverte en premier et que je recommande avec la garantie "satisfait ou remboursé").

    "Other Voices, Too (A Trip Back To Bountiful)" doit son titre (du moins la seconde partie) à un film des année 80 (A Trip Back To Bountiful) réalisé par Horton Foote avec Geraldine Page pour actrice principale. Sur cet album, Nanci a quelque peu changé son approche dans la mesure où, tout en poursuivant l'exploration du répertoire de ses songwriters favoris, avec une part plus importante donnée aux Britanniques, (et là aussi la liste des laissés pour compte est très longue) elle offre une place primordiale aux interprètes (qui sont parfois les mêmes mais chantent ou jouent sur les œuvres des autres), ce qui fait que ce disque est plus un disque de duos (voire plus) qu'un album solo de Nanci Griffith. medium_Other_voices_Too.jpg

    Il m'est difficile de faire une présentation synthétique de l'ensemble, vous aurez donc droit à une liste détaillée. L'album commence par deux morceaux anglais puis le voyage se poursuit au Canada et aux USA et se termine, comme le précédent par un titre popularisé par Pete Seeger.

    "Wall Of Death" de Richard Thompson avec Iain Matthews et Tom Russell.

    "Who Knows Where The Time Goes" de Sandy Denny avec Dolores Keane et Iain Matthews.

    "You Were On My Mind" de Sylvia Fricker avec Richard Thompson et Tom Russell. Sylvia Fricker, ou Sylvia Tyson, fut l'épouse de Ian Tyson avec qui elle composa un duo à succès, Ian & Sylvia. Et la chanson fut adaptée en Français par Joe Dassin sous le titre de "Ça m'avance à quoi?".

    "Walk Right Back" de Sonny Curtis (souvenez-vous des Crickets de Buddy Holly) fut interprétée par les Everly Brothers. Ici, on croise Sonny Curtis et deux autres Crickets: Joe Mauldin et J.I. Alison.

    "Canadian Whiskey" de Tom Russell avec Ian Tyson et deux admirables musiciens du Tom Russell Band: Fats Kaplin et Andrew Hardin.

    "Desperados Waiting For A Train" du grand Guy Clark. On a droit à un vrai feu d'artifice, tout le Texas ou presque s'est donné rendez-vous: Guy Clark, Jerry Jeff Walker, Steve Earle, Rodney Crowell, Jimmie Dale Gilmore, Eric Taylor (mais aussi le British Richard Thompson). Difficile de faire mieux, ou alors il faudrait rappeler les morts, comme Townes Van Zandt…  

    "Wings Of A Dove" de Bob Ferguson avec Lucinda Williams et Frank Christian.

    "Dress Of Laces" de Saylor White (un autre Texan bien connu en France) avec Lyle Lovett (ex Monsieur Julia Roberts) et Eric Taylor (ex Monsieur Nanci Griffith).

    "Summer Wages" de Ian Tyson (ex Monsieur Sylvia Fricker) avec Tom Russell et Carolyn Hester (avec Hardin & Kaplin mais aussi Béla Fleck au banjo).

    "Wasn't That A Mighty Storm", un traditionnel du répertoire de Tom Rush avec ce dernier mais aussi Frank Christian, Odetta, Emmylou Harris, Carolyn Hester…

    "Deportee (Plane Wreck At Los Gatos)" de Woody Guthrie avec Lucinda Williams, Tish Hinojosa, Odetta, Steve Earle, John Stewart…

    " Yarrington Town " de Mickie Mertens avec Emmylou Harris et sa fille Meghann Ahern, Carolyn Hester…

    "I Still Miss Someone" de Johnny Cash avec Rodney Crowell (ex Monsieur Rosanne Cash) et les trois Crickets.

    "Try The Love" de et avec Pat McLaughlin.

    "The Streets Of Baltimore" de Tompall Glaser et Harlan Howard avec John Prine et Harlan Howard. Presqu'aussi bien que la version de Gram et Emmylou!

    "Darcy Farrow" de Tom Campbell et Steve Gillette où la voix de Nanci bénéficie du seul accompagnement aux percussions de Pat McInerney. Iain Matthews (avec son Southern Comfort puis seul, beaucoup plus tard), m'avait fait connaître ce joli morceau. Iain Matthews qui sera à la Pomme d'Ève (http://www.acousticinparis.com) les 6 et 8 février 2007.

     

    "If I Had A Hammer" de Pete Seeger & Lee Hays avec beaucoup de monde (dont Matthew Ryan, Richard Thompson, Nina Gerber, Eric "Deliverance" Weissberg, Nina Gerber, Odetta, Jean Ritchie, Lucy Kaplanski, Eric Taylor, Jim Rooney, Gillian Welch…).

    Et je n'oublierai pas de citer les musiciens habituels de Nanci qui assurent sans faille le tissu musical de l'ensemble: James Hooker, Doug Lancio, Pat McInerney, Ron de la Vega, ni le guitariste Phillip Donnelly, sans doute le plus Texan des Irlandais.

    Ce disque (accompagné du précédent) pourrait faire partie d'une discothèque idéale dans la mesure où il constitue un forme de résumé de la musique folk / country américaine de la seconde moitié du siècle écoulé.

    Et puis les musiciens et chanteurs prennent un plaisir audible dès la première note.

    Ah! J'oubliais. Nanci Griffith chante admirablement bien et joue aussi de la guitare. Et je suis sûr qu'après avoir écouté ce CD (que l'on trouve à prix modéré) vous aurez envie de découvrir le reste de son œuvre.